Le premier point est vital. Il concerne la structuration de l’île, les routes, l’eau, l’assainissement, etc. Mayotte ne peut engager un réel développement à moins d’un financement national de 2 milliards d’euros, avait estimé l’eurodéputé Younous Omarjee. Emmanuel Macron avait déjà ciblé 1 milliard d’euros pour les Outre-mer, « essentiellement fléchés vers la Guyane et Mayotte », avait-il précisé lors de son passage d’avant présidentielle chez nous. Les évènements sociaux guyanais lui ont donné raison, puisque ce sont prés de deux milliards qui vont bénéficier à ce DOM.
Quid de Mayotte ? La ministre des Outre-mer s’est expliqué sur le milliard sans apporter de claires précisions. Elle s’est engagée à ce qu’il ne soit pas noyé dans les 50 milliards d’euros promis à l’ensemble des Outre-mer. Mais on connaît les restrictions budgétaires actuelles, « les 50 milliards d’euros seront engagés sur le budget 2019 ». Quant à un accompagnement pour Mayotte, « pour 2018, on négocie actuellement, je ne désespère pas le mettre en place », a-t-elle indiqué lors de la conférence de presse samedi soir.
Mais les élus vont devoir se battre et mettre la main à la pâte pour le défendre, « et il faut chercher les financements partout où ils existent. » Sans quoi, les autres territoires tireront les milliards à eux.
Des classes hors du compte
Autre point sur lequel la ministre a annoncé vouloir se battre : les moyens nautiques de lutte contre l’immigration clandestine. L’INSEE vient de livrer les derniers chiffres, 74% des 9.500 naissances de 2016 le sont de mères de nationalité « étrangère ». La ministre le constatait, nous ne tenons pas le rythme de construction d’une salle de classe par jour, avec les 20 millions d’euros de financement par an, « nous courrons après la démographie ». Sur le ponton Marine de Dzaoudzi, elle annonçait vouloir se battre pour deux bateaux supplémentaires.
Dans le même temps, une énième tentative de discussion avec l’Union des Comores va être engagée le 12 septembre 2017 à Paris lors d’un Haut Conseil paritaire. Avec d’avantage de chances de succès cette fois. D’abord parce que la France a l’air décidée à mettre les moyens pour fixer les populations sur place, comme le précisait Luc Hallade, Haut fonctionnaire, ancien ambassadeur de France en Union des Comores, membre de la délégation ministérielle : « Nous voulons une structuration plus forte que l’inauguration d’une simple école ou d’une bibliothèque ». Fini le saupoudrage donc, avec une volonté affichée d’y relever le niveau des prestations, notamment médicales, « l’insertion de Mayotte dans son environnement régional est une priorité nationale ».
Réaménagement du visa
Ensuite, parce que la ministre avait proposé en conférence des ambassadeurs un visa Outre-mer. Une sorte de réaménagement du visa Balladur. « Je ne visais pas seulement Mayotte », se défend-elle, « mais c’est une des réponses à apporter pour une meilleure circulation des étudiants notamment, sur l’ensemble de l’océan Indien. » Luc Hallade de son côté évoque « la volonté d’améliorer la circulation légale, et éviter le stationnement de ces populations sur le territoire ».
En matière sécuritaire, pas d’annonce de moyens supplémentaires en revanche, les chiffres étant en amélioration, « -9% sur les atteintes aux personnes et -20% sur les atteintes aux biens », rappelait le préfet Frédéric Veau. Mais rien n’est gagné, « il faut écouter les Mahorais quand ils parlent de délinquance au quotidien », appuyait la ministre.
Le sujet sécuritaire pourrait faire l’objet d’un point lors des Assises des outre-mer prévues en octobre. On ne compte plus les Etats majors ou Assises qu’ont vécu les outre mer sans résultat probant, et Mayotte sort à peine des ateliers Mayotte 2025. « Pas d’obligation de tenir des Assises », se défend la ministre, « et avec Mayotte 2025, vous avez votre plan de convergence inscrit dans la loi Egalité réelle. Mais il faudrait alors le mettre à jour tous les ans pour être proche de la réalité. » Idem pour le Plan sécurité Cazeneuve, la ministre préconise « un bilan pour renforcer les moyens au fur et à mesure ». Ils ont été de 88 gendarmes et 15 policiers en effectifs supplémentaires, selon le préfet, pas de quoi endiguer plus avant la délinquance.
Des couteaux Suisse Mahorais
Il faut selon la ministre trouver des solutions adaptées à la délinquance juvénile. « Le projet d’un Centre éducatif fermé est prêt, mais les budgets actuels sont ce qu’ils sont… ». Elle appelait donc Mayotte à faire ce que les Outre-mer savent faire de mieux, « être des couteaux Suisse, pour ensuite exporter les idées vers la métropole. Il faut créer un centre qui correspond aux problématiques de Mayotte. N’adoptons pas un dispositif national qui ne correspondrait pas ». Annick Girardin revenait sur la prise en charge « par village » des jeunes auparavant, mais sans franchir le Rubicon judiciaire.
Il faut à l’évidence revenir aux sanctions personnelles à l’encontre des jeunes, notamment les primodélinquants, et leur faire réparer les infractions commises.
Avec Ericka Bareigts, on avait amorcé un virage dans la prise de conscience gouvernementale du sous-développement structurel de Mayotte, et dans l’abandon de la langue de bois, qui semble entériné par l’actuelle ministre. Quatre jours, la première visite ministérielle aussi longue.
Annick Girardin nous confiait en aparté qu’à Saint Pierre et Miquelon dont elle est députée, une bonne partie de la population était pessimiste sur l’avenir du territoire, « je vais donc travailler avec les autres, et impulser une dynamique positive. Il faut faire pareil avec Mayotte. »
La ministre enchainait samedi soir avec une séquence privée de rencontre avec le parti radical de gauche, dont elle est vice-présidente nationale, et partait à la découverte du lagon ce dimanche.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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