D’entrée, et face à une soixantaine d’élèves de classes de Seconde au BTS, Christine Guérin s’élance sur scène : « En dehors du parfum d’une glace à la crème, m’a-t-on déjà laissé le choix ? Celui de ma couleur de peau, de ma nationalité, de mon sexe, de ma religion, de mon pays. Là, j’ai l’âge légal pour me réaliser moi-même, et faire mes propres choix. Mon héritage va rester sur le seuil, et, s’il me suit, je m’en débarrasserai d’un mouvement d’épaule. Alléluia ! », trouvant un écho chez ces futurs adultes qui criait d’une seule voix un puissant « Alléluia ! »
Autre production autobiographique, « je m’appelle Christine, je suis une femme catholique blanche née dans les années 70 de parents ouvriers, donc pauvre. Quelle probabilité d’avoir toutes mes chances, et, même si je suis bonne élève, de mener des études qui vont aboutir à mon épanouissement personnel ?! » Deux textes portant sur le déterminisme, qui expliquent nos réactions en fonction de notre conditionnement.
Les ignorer ou les fuir serait une erreur dans laquelle ne tombe pas la comédienne qui invite à les « interroger », pour être acteur de ses choix. Pour enfoncer le clou, elle reviendra sur sa « condition » de fille, et les symboles qu’elle a transporté comme des casseroles, « les robes (elle est en pantalon de sport), le ménage, la vaisselle ». « Au lieu de cela, on aurait pu me dire tu as un potentiel énorme en tant que fille ».
Née pauvre, avec des parents qui seront au chômage, mais aussi avec « le refus de promotion pour ne pas ‘devenir le maître de mes collègues’ dira ma mèrre, et avec le mépris du riche », voilà en effet qui peut conditionner les réactions de Christine Guérin, « même en gagnant bien ma vie, je n’arrive pas à dépenser d’argent dans les magasins. » Première réaction d’un élève : « C’était triste votre vie quand vous étiez petite ! »
Pour les mots et les maux
Il s’agit de faire sortir de leur coquille des jeunes qui pourraient être en souffrance, et d’extirper ceux qui sont confrontés à la violence, de cette logique, en les amenant à envisager un autre schéma de pensée.
Un conditionnement sur lequel revenait Faoula, étudiante en BTS Assistant Manager : « Je suis la seule fille de la maison, et mes parents m’abaissent toujours », nous confie-t-elle. Et elle a déjà assisté à 3 séances de la compagnie M Comme, « parce que je ne me sens pas incapable, et j’ai besoin de m’identifier à d’autres réflexions, aux pensées des autres, pour savoir si je pense correctement ou pas. »
A côté d’elle, Oili Soufou Idrissa, en seconde, n’en perd pas une miette non plus. Lui revient pour la mélodie des mots, c’est un accro, « j’aime me retrouver dans un art où les mots sont maîtres ».
Ses propres choix
Des cartes héritées de leur condition, les élèves devaient en choisir une, pour en tirer une courte composition écrite. Un recul difficile à prendre quand il est une heure avant midi et que les ventres commencent à grouiller, mais les élèves se sont plutôt pas mal sortis.
L’un d’eux avait choisi celles de « garçon » et « riche », « et bien ce n’est pas facile. Car il faut prendre conscience que c’est pour aider ta famille, tes proches et les pauvres autour de toi. Car si tu les aides, un jour ils pourront t’aider, car on ne reste pas riche toute sa vie. C’est le courage qui fait l’homme riche ». Là, on l’a fait courte, car il est parti pour 5 minutes d’impro…
Un apprentissage à prendre les rênes de sa vie, et à faire des choix personnels, qui peut inciter à prendre des virages… et ne peut qu’être bénéfique lorsque vont approcher les inquiétants forums d’orientation de fin d’année.
Ça tombe bien, puisque les deux comédiennes qui accompagnent des ateliers de pratique artistique pour les élèves d’option théâtre du lycée de Bamana, reviennent en mars pour aboutir en avril au Festival du théâtre lycéen où elles présenteront leur travail. Une résidence proposée grâce à un partenariat entre le Vice Rectorat et la Direction des Affaires Culturelles.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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