« Vous pouvez enlever la plaque se trouvant à l’endroit de mon siège à l’Hémicycle Younoussa Bamana pour la coller à l’arrière où siège l’opposition », lance Bichara Bouhari Payet à l’endroit du président du conseil départemental. La conseillère de Dembéni, binôme de Issa Issa Abdou, se désolidarise donc de son groupe, et précisément en indexant ce dernier.
Des magouilles et des dysfonctionnements, il y en a toujours au conseil départemental, les signatures tardives des conventions pour les formations professionnelles en sont en un exemple, mais compliqué de cerner cette fois où il y a abus.
Au président Soibahadine, Bichara Bouhari Payet reproche de ne pas mettre d’ordre dans les dysfonctionnements de la maison, lui rappelant qu’il n’a pas un rôle de bénévole avec un « salaire de grand dirigeant ». Le ton est donné, l’élue attaque tous azimuts. Même ses futurs partenaires d’opposition à qui elle reproche de voter à l’unanimité des rapports, « même sur des dossiers qu’ils considèrent douteux ».
Une critique à leur endroit qu’elle ne formule pas dans un autre document, adressé au procureur celui là, et à qui elle demande l’ouverture d’une enquête judiciaire. Elle pointe le flou autour de la mise en place d’une action de prévention de la délinquance à Dembéni. Dembéni, son canton, et celui donc de Issa Abdou qui porte ces dossiers en tant que vice-président chargé de l’action sociale. L’opposition aurait eu les mêmes doutes qu’elle, et même le cabinet et un élu de la majorité, sur trois rapports qui motivent sa colère.
Une réponse non conforme de son binôme
Le premier attribue une subvention de 200.000 euros à la commune de Dembéni, le 2ème, de 234.000 euros à des associations intervenant sur l’Aide sociale à l’Enfance, et même objet pour le 3ème avec une somme de 483.630 euros. Elle appelle dans cette logique le procureur à « clarifier la situation des associations œuvrant dans le domaine social à Mayotte ».
Elle évoque de « graves irrégularités » sur les dénominations des bénéficiaires et les montants », entre la validation des rapports dans une séance plénière du 22 décembre 2017, et celle de la commission permanente du 20 janvier. Difficile de comprendre de prime abord pourquoi des rapports se retrouvent être votés à deux séances successives. Des observations qu’elles adresse au président Soibahadine, avec copies à l’ensemble de ses collègues élus.
Dans un mail, elle obtient une réponse de son binôme Issa Abdou mais qu’elle juge « non règlementaire », parce que devant s’adresser au président lui-même, « un conseiller départemental n’a pas le droit d’adresser directement des dossiers aux collègues conseillers départementaux »… on perçoit donc un climat quelque peu tendu, et que le terme de binôme ressemble moins à une somme qu’à une division à Dembéni.
Proroger l’action de l’Etat
Elle décrit une commission permanente avec un débat intense autour de ces rapports, avec une demande de report donc de leur examen de la part du cabinet du président, de l’opposition, et du conseiller de la majorité Ben Issa Ousseni.
Ce que conteste Ousseni Ahamada, directeur de cabinet de Soibahadine Ibrahim : « Nous avons d’abord examiné ces rapports en bureau avec le président, les vice-présidents, le président de la majorité Ali Debré Combo, qui a demandé des éclaircissements, ils ont été très débattus, comme beaucoup d’autres. Ensuite, le président décide des rapports qui seront proposés en séance. ». Puis, un comité de lecture du service juridique en examine la légalité. « L’assemblée est souveraine ensuite, et ils sont passés ».
Sur le fond, il explique le double passage en assemblée, en replaçant le dossier dans le contexte, celui d’un transfert de la compétence de l’action sociale de l’Etat vers le conseil départemental, « le dispositif existe depuis longtemps, mais était porté par l’Etat. Nous n’avons donc fait que proroger des actions qui étaient en place ». Les bénéficiaires sont des associations qui ont pignon sur rue, la Croix rouge, les Céméa, l’association de lutte contre l’obésité SUA, Apprentis d’Auteuil.
La Croix Rouge comme partenaire
Les 200.000 euros pour Dembéni sont justifiés par « la mise en place de l’action de prévention spécialisée sur son territoire », qui serait gérée par la Croix rouge. Nul doute que s’il y a un loup, cette dernière saura faire remonter ses inquiétudes, comme elle l’avait déjà fait dans un dossier qui l’avait d’ailleurs opposé à Issa Abdou, celui du SPASAD (Service polyvalents d’aide et de soins à domicile).
De son côté, Issa Abdou n’a pas souhaité réagir à la position de sa binôme, « en raison de tous les moments forts que nous avons partagés, je garderai de l’estime pour elle ».
Une démission de plus pour Bichara Bouhari Payet qui a quitté bruyamment le mois dernier le Parc Naturel Marin, « pour des questions personnelles », nous avait-elle glissé, et dans le même temps de l’Agence pour la biodiversité, et la SPL 976 (Société publique locale). Ousseni Ahamada glisse qu’une réunion de la majorité doit se tenir ce lundi, mais que si l’élue maintient sa position, la majorité ne devrait pas s’en trouver trop affectée, « nous étions 17 puisque Insya Daoudou nous avait rejoint, nous rebasculerons à 16 », sur 26 conseillers départementaux.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com