La phrase du président François Hollande s’offusquant d’un possible référendum en Crimée sans l’accord de l’Ukraine, appuyée par la déclaration de notre ministre des Affaires étrangères sur l’impossibilité de modifier les frontières, a incité à dresser un parallèle justifié avec la situation géopolitique de Mayotte au sein des Comores.
Il ne peut y avoir de référendum sur l’avenir de la Crimée “sans que l’Ukraine elle-même n’ait décidé de l’organiser” a déclaré vendredi dernier François Hollande. Cette phrase a alimenté de multiples blogs aussi divers que médiapart ou boulevard voltaire qui ont eu tôt fait de dresser un parallèle entre la Crimée et Mayotte.
En Crimée, le Parlement local a en effet demandé jeudi dernier au président russe Vladimir Poutine le rattachement du pays à la Russie, et a annoncé pour le valider, l’organisation d’un référendum le 16 mars. Les électeurs auront le choix entre un rattachement à la Russie ou une autonomie nettement renforcée.
La Crimée, un des pays membres de l’URSS, avait été rattachée à l’Ukraine soviétique en 1954 par Nikita Khrouchtchev, lui même originaire d’Ukraine. Lors de la dislocation de l’URSS, l’Ukraine devenue indépendante avait accordé à la Crimée le statut de République autonome.
Ce référendum violerait-il le droit international comme le soutient le président Américain Barack Obama ? Et alors que le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius annonçait : «En droit international, on ne peut pas faire un référendum pour modifier des frontières. Imaginez un département de France qui demande son indépendance ! Et si cela se généralisait à d’autres Etats… Après, tout dépend de la question qui va être posée. S’il s’agit d’aller vers davantage de décentralisation, d’accord. Mais si, en revanche, c’est une manière de changer les frontières, cela pose problème »… Une déclaration qui fait le régal des sites en ligne du côté de l’Union des Comores qui opposent les faits historiques de partition de leur archipel.
Une voie sans issue
En effet, dans le cadre de la décolonisation des Comores, un référendum avait été organisé à la suite d’un protocole d’accord signé entre les Comores et la France. Le 22 décembre 1974, il ressortait du vote une forte majorité pour l’indépendance, sauf si l’on isole les votes de l’île de Mayotte. C’est ce qui fut fait au nom des peuples à disposer d’eux-mêmes, et sans tenir compte de l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation que préconisait pourtant l’ONU.
Mayotte, bien que département, n’est d’ailleurs toujours pas officiellement reconnue comme française, et les Comores revendiquent périodiquement leur souveraineté sur cette île.
Pour reproduire à l’identique le schéma ci-dessus, et la France ayant créé un précédent avec Mayotte, le référendum devrait être organisé à l’issue d’un accord Russo-Ukrainien. Difficile, la demande de la Crimée étant une conséquence du mouvement contestataire ukrainien qui sévit depuis l’année dernière. La Russie désire garder le contrôle de la péninsule ukrainienne, qui lui permet d’accéder au-delà de la mer Noire au bassin méditerranéen et au Proche et Moyen-Orient… une décision géostratégique donc, à l’image de la France à Mayotte.
Quelle issue, étant donné que le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ne peut pas concerner la Crimée, car pensé pour le droit à l’indépendance des peuples coloniaux ? De plus, comme l’explique le professeur Pierre Bodeau-Livinec, professeur de droit public et spécialiste de droit international, interviewé sur francetvinfo.fr, «la république autonome de Crimée exerce depuis longtemps son droit à l’autodétermination, car elle a ses propres instances de gouvernement. Un référendum sur l’indépendance ne pourrait être justifié que si un peuple était clairement opprimé par l’Etat et que la séparation était la seule solution».
Un référendum dont le résultat ne serait par reconnu par l’ONU, pas plus que l’indépendance qui en résulterait, ni plus son rattachement éventuel à la Russie… un air connu des Mahorais.
Anne Perzo-Lafond
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