Vous souvenez-vous de la boîte à debaa installée sur la place de la République en 2015 ? Cette aventure créative a démarré il y a déjà 5 ans, à l’initiative de la chercheuse et choréologue Elena BERTUZZI et la réalisatrice Laure CHATREFOU. Depuis 2013, ces deux femmes s’intéressent au debaa, chant dansé emblématique de Mayotte. Après avoir été exposé sur la place de la République, le projet debaa, a remporté le prix de l’installation à l’Arte Laguna Prize de Venise (Italie) en 2017.
Cette création a voyagé entretemps, notamment pour être exposée à l’Institut du monde arabe et c’est aujourd’hui à la deuxième phase que s’attaquent les deux créatrices, celle qu’elles ont baptisée la Haie des danseuses. Car le projet artistique mené par Elena BERTUZZI et Laure CHATREFOU, se décline en trois éléments, qui voient le jour au fil du temps : la haie des danseuses, le labyrinthe des voiles et le vidéomaton.
Une résidence artistiques soutenue par la Ville de Saint-Denis
Il y a quelques mois, les deux artistes sont venus proposer leur projet à La Réunion, et ce qui devait être au départ une installation comme les autres, c’est transformé en résidence artistique avec des associations mahoraises installées à Saint-Denis. Soutenu par la Politique de la Ville du chef lieu réunionnais, ce projet a permis une rencontre avec des femmes des quartiers du Bas de la rivière et de la Trinité. « À travers ce travail, nous voulons certes valoriser le debaa, mais aussi faire connaître le soufisme, un courant de l’Islam que l’on connaît peu, et donner une autre image de la femme musulmane » explique Laure CHATREFOU qui a passé des heures à filmer ces chanteuses et danseuses.
Envoutant, fascinant, empreint de sensualité et de grâce, le debaa n’est que très peu connu en dehors de Mayotte et de l’archipel des Comores. Pourtant c’est grâce à lui que Oumi, 16 ans et originaire de Mtsangadoua, a voyagé à travers le monde avec la Madrassati Toiyaria. « J’ai grandi avec le debaa, ma grand-mère est foundi, ma mère est présidente de l’association et j’en fais depuis que je suis toute petite. Aujourd’hui je suis parfois Imam (ndlr : celle qui mène la danse) et je chante » raconte-t-elle. La jeune-fille, plus jeune bachelière de Mayotte en 2017, est aujourd’hui étudiante en BTS Tourisme à Sainte-Marie.
Sous ses airs de garçon manqué, elle se révèle être une réelle ambassadrice de la tradition mahoraise « je fais du debaa car cela fait partie de moi. Je trouve ça vraiment dommage que nos traditions se perdent, par exemple il n’y a plus de jeunes qui s’intéressent au Maoulida Shengue. Pour moi c’est très important de perpétuer nos chants » explique Oumi. Avec son association, elle s’est produite en métropole, au Brésil, et tout récemment en Israël et en Palestine au festival Al-Kamandjati, un voyage qui l’a tout particulièrement marquée : « j’étais très émue en tant que musulmane de voir la mosquée Al-Aqsa ».
Une future installation d’envergure pour les Journées du Patrimoine
La haie des danseuses était projetée pour la première fois mardi soir à la Cité des arts de Saint-Denis. Si l’horaire imposé, pile au moment de la rupture du jeûne, n’était pas propice à la venue des danseuses, quelques convives avaient tout de même fait le déplacement. Une nouvelle captation aura lieu ce dimanche, toujours dans le cadre majestueux de la Cité des arts.
En septembre prochain, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, cette œuvre majestueuse fera partie d’une installation de plus grande envergure intitulée « Au cœur du debaa », qui sera présentée au Fortin de la Redoute, toujours à Saint-Denis.
Une formidable occasion pour les réunionnais de découvrir les traditions d’une communauté qui souffre d’une mauvaise réputation.
MC
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