La salle d’audience du Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou avait un invité prestigieux ce mardi : le vice-recteur était venu épauler une inspectrice de l’Éducation nationale. Elle avait déposé plainte pour violences lors d’une de ses missions.
L’inspection de madame Z.J. s’était soldée, ce 11 juin 2013, par 3 jours d’interruption de travail temporaire (ITT). Auparavant, l’inspectrice avait averti à plusieurs reprises monsieur S.B., enseignant à l’école maternelle de Poroani : «à chaque fois que je voulais l’inspecter, il était soit en congé maladie, soit gréviste, ce qui est malgré tout son droit». L’enseignant, de son côté, ne demande pas le report de l’inspection, «alors que cela arrive parfois pour des problèmes professionnels ou personnels».
Ce 11 juin, Z.J. décide donc de se présenter sans prévenir, «il ne répondait jamais aux convocations». Elle s’installe, demande le registre d’appel et constate qu’il n’est pas correctement rempli, «le nombre d’élèves absents n’est pas noté ce qui pose un problème de sécurité». Le maître surgit, aurait secoué sa chaise, et tente de lui arracher le registre, qu’elle ne lâche pas et, ce faisant, heurte une armoire… Tout cela devant une classe d’enfants de cinq ans. «Outre le respect qu’il me doit, il a failli dans son exemplarité face aux élèves», insiste-t-elle.
L’assistante de maîtresse, (Agent Spécialisé des écoles Maternelles, Atsem), ne confirme pas les violences, mais elles auraient été commises pendant qu’elle allait chercher le directeur.
Par la suite, S.B. formulera ses excuses dans un courrier, sans reconnaître les violences.
Il se défend : «Je ne voulais pas être inspecté alors que je devais faire passer aux élèves les évaluations de fin d’année». Il exerce son métier depuis 15 ans et, malgré des rapports négatifs sur un manque de travail lors des deux précédentes inspections, semble apprécié des parents et de ses collègues.
«Un dossier qui ne repose que sur le témoignage de l’inspectrice»
C’est ce point qui va mollir le jugement du procureur Michel Alik qui s’avoue «gêné». «Nous sommes en présence de deux personnels de l’Education nationale appréciés de leur entourage», tout en reconnaissant un comportement «violent», «constitué dès que vous arrachez le registre que tout inspecteur est en droit d’obtenir». Mais il ne demandera à demi-mot, que le versement de dommages et intérêts.
Et c’est sur le même point de reconnaissance professionnelle doublée d’une absence de violences volontaires et d’une absence de pièces que Me Soumetui Andjilani s’engouffre, tout en demandant à la victime pourquoi être allée voir son médecin traitant, et non le plus proche. N’aurait-elle pas dû, elle aussi, montrer l’exemple en lâchant le registre ? Des questions pressantes qui incitaient le procureur à intervenir: «la Partie Civile n’a pas besoin de se défendre ainsi ! »
Le président Thibault Soubeyran tranchait dans un verdict beaucoup plus sévère que les réquisitions : «coupable et condamné à payer 3 000 € avec sursis». Il déclarait recevoir la demande de la partie civile d’être indemnisée avec 750 € de dommage et intérêts.
Happé à la sortie par le JDM, François Coux déclarait être venu pour «soutenir un personnel de l’éducation nationale malmené. Elle part à la retraite dans six mois à l’issue d’une carrière exemplaire, et il était important pour moi que l’autorité de l’Inspectrice soit rétablie dans ses droits».
Me Andjilani ne décolérait pas et annonçait faire appel : «le dossier est vide et ne repose que sur la déclaration de la plaignante. Or, le doute doit profiter au prévenu. Comment voulez-vous qu’on ait confiance en la justice quand on prend ce genre de décisions», tout en n’excluant pas que la présence du vice-recteur n’ait pas influencé le jugement…
Anne Perzo-Lafond
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