26.9 C
Dzaoudzi
mercredi 24 avril 2024
AccueilPortraitRoukia : être plus qu'une infirmière

Roukia : être plus qu’une infirmière

Avant la “journée internationale de la femme” ce 8 mars, le JDM vous propose de rencontrer des femmes de Mayotte. Aujourd’hui, Roukia, infirmière en cancérologie au CHM raconte un peu de son parcours.

Roukia 5«Si on commence par le début, je suis née à Dzaoudzi il y a 52 ans.» Roukia est une petite dame aussi attachante que bavarde. Elle adore raconter des histoires même si la sienne, elle n’en parle pas si souvent. Mais elle sait écouter aussi. A l’hôpital de Mayotte où elle est infirmière, elle s’occupe des patients atteints d’un cancer.

«J’aime mon métier et j’aime spécialement ce service parce que c’est très particulier. On a à faire à des patients démunis de tout. Les deux tiers sont clandestins. Quelqu’un qui est affilié à la Sécu, qui a un chez lui, de l’eau potable, de l’électricité, il ne vit pas sa maladie de la même façon que quelqu’un qui a des proches et quelque chose de construit autour de lui. On est infirmière, oreille attentive, assistante sociale, on est aussi la personne qui écrit des lettres parce que ces gens ne savent pas écrire et on leur demande de rédiger des tas de choses pour la préfecture.»

Partager les problèmes des autres

Roukia est une femme du Canal du Mozambique, née à une époque où on pouvait circuler facilement dans la région. Quand sa mère se remarie avec un commandant de la marine marchande, la famille quitte Mayotte pour Anjouan où elle commence le collège. «Et puis, en 1975, avec le coup d’Etat, mon père avait le bateau qui était chargé d’évacuer tous les politiques vers Madagascar. Alors, on s’est installé à Majunga. Ensuite, c’est à Mada qu’il y a eu des incidents, alors on est repartis à Anjouan où je suis allée au lycée avant de rentrer à Mayotte en 1980.»

Roukia 2Mais à cette époque, il n’y avait absolument aucun travail dans l’île au lagon à moins de devenir instituteur. «Moi, c’était pas mon truc. Je n’avais pas la patience d’expliquer les choses aux enfants. Je préférais être au chômage plutôt que de devenir instit.» Alors, pourquoi pas l’hôpital. Elle passe le concours, à contre cœur, pour entrer à l’école locale d’infirmière et c’est là qu’elle va apprendre à aimer son métier. «C’est Josiane Henry, qui était directrice et formatrice, qui m’a permis de découvrir le rapport entre le soignant et le soigné, à partager les problèmes des autres, à les écouter. J’avais 19 ans à l’époque…»

Des études pour l’avenir

Son diplôme mahorais en poche, Roukia ne s’en est pas contentée. Après deux ans à la maternité de Sada, elle a suivi le conseil de son père: «Si à Mayotte, on va vers un département, ton diplôme local ne vaudra plus un clou.» Alors, elle est partie en métropole pour une école d’infirmière reconnue nationalement. «A Bobigny, il y avait un internat et à l’époque, faute de moyens, je n’avais pas le choix. En échange, j’ai dû passer cinq ans dans les hôpitaux de Paris.»

En 2001, elle décide de rentrer chez elle. «Je me suis toujours dit que je serais plus utile chez moi que là-bas. J’ai toujours constaté que les malades, quand ils ont à faire à une tierce personne pour traduire, ils se freinent pour dire les choses. Moi, j’ai un avantage sur mes collègues de métropole. Et puis je suis presque la plus âgée et les patients âgés, ils ont tendance à me demander.»

Faire comprendre à ses enfants la chance qu’ils ont

Roukia 4Roukia estime avoir eu de la chance de pouvoir se marier très tard. «J’ai toujours eu des parents qui ont su évoluer avant la société, ils voyaient plus loin que leur époque. Je me suis mariée à 29 ans et j’ai eu ma première fille à 31 ans. C’est très rare pour les femmes de ma génération. Autour de moi, elles sont toutes grand-mères !»
Elle a raconté son parcours à ses trois enfants, nés en métropole, pour qu’ils réalisent la chance qu’ils ont eux-aussi. «Moi, j’ai dormi dans le métro à Paris quand je n’avais pas d’argent. Et puis, je veux qu’ils réalisent aussi qu’autour d’eux, aujourd’hui à Mayotte, il y a beaucoup de jeunes qui ne peuvent pas faire d’études parce qu’ils n’ont pas les moyens ou pas de papiers. »

Roukia pourrait prendre sa retraite dans quatre ans mais elle va peut-être continuer un peu «si on m’autorise. Quand mon père est mort d’un cancer, je n’étais pas là. Alors, tous les jours, je me dis que ce que je fais pour les patients, j’espère que d’autres l’ont fait pour mon papa.»
RR

Comments are closed.

RESTONS EN CONTACT

Inscrivez-vous à la lettre d'information du JDM afin de garder en oeil sur l'actualité mahoraise

L'actualité

AVIS DE CONSTITUTION AUTO SHOP 976

139115
  Par acte SSP du 14/09/2022, il a été constitué une SAS dénommée : AUTO SHOP 976 Siège social : 25 Rue Bahoni 97615 Pamandzi Capital :...
+26
°
C
+27°
+24°
Mamoudzou
Samedi, 04
Dimanche
+25° +24°
Lundi
+25° +24°
Mardi
+25° +24°
Mercredi
+25° +24°
Jeudi
+25° +24°
Vendredi
+25° +24°
Prévisions sur 7 jours
Campagne, politique, Mayotte

Tribune – De l’art du discours à la formule

139115
Qui pour relever les défis de nos grands orateurs du passé ? Peu de noms émergent de la tribune de Madi Abdou N'tro, voire aucun, sur les dernières campagnes, laissant sans doute "un sentiment d'imposture" chez les électeurs

Départementales Sada : remaniements en vue au conseil départemental

139115
L’issue du scrutin a parlé : c’est donc le binôme Soula Saïd Souffou/Mariam Saïd Kalame qui intègre les bancs de l’assemblée départementale. Ce qui implique des réélections au menu du conseil départemental les jours prochains. Avec l’éventualité d’une refonte complète des vice-présidences, comme nous l’expliquons

Départementales partielles : Soula S. Souffou et Mariame S. Kalame élus avec 52,26% des voix

139115
Ils étaient en tête au premier tour, et ont creusé l’écart à l’issue du second : le binôme surprise Souffou/Kalame qui n’était pas présent sous cette configuration en 2021, est le nouveau duo d’élus qui intègre le conseil départemental.
Comores, Azali Assoumani

Comores : un ténor de l’opposition appelle à une désescalade politique

139115
L’ancien gouverneur de la Grande-Comores, Mouigni Baraka Said, estime qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à "ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise". Une démarche mal digérée par les autres opposants qui refusent tout dialogue avec le président Azali Assoumani depuis son élection le 24 mars 2019.
Départementale, Sada, Mayotte

Départementales partielles à Sada : Saïd Souffou-Mariam Kalame en tête

139115
Le 1er tour de l'élection partielle des conseillers départementaux du canton de Sada se tenait ce dimanche 25 septembre. Le canton est toujours scruté de prés pour être l'un des épicentres politiques locaux. Les élections...