Les pêcheurs mahorais en colère avaient envoyé un émissaire à Paris : Dominique Marot ne revient pas avec des miracles, mais avec quelques pansements qui devraient atténuer la douleur de la politique commune de pêche européenne. De là à en guérir…
On se souvient de la grogne du monde de la pêche mahoraise confronté à la Politique commune européenne qui abolit les frontières, y compris celles des zones de pêche. Les dérogations demandées avaient été rejetées par l’Europe, «les lobbys de thoniers espagnols et français ont su faire plier le ministre Cuvillier qui ne nous a pas défendu à Bruxelles», avait même dénoncé Pierre Baubet, à la tête de la coopérative Copemay. Certaines règles en vigueur comme la règle de l’antériorité, avaient été gommées. Le Parlement européen aurait déposé un recours, toutefois long à traiter.
C’est donc en représentant d’une filière en crise avant même qu’elle se soit développée, que Dominique Marot, vice-président de la Chambre d’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte (CAPAM), s’est rendu la semaine dernière à Paris. Il a rencontré Gérard Romiti, président du Comité national des Pêches maritimes, Nathalie Infante au ministère des Outre-mer et Cécile Bigot-Dekeyzer, directrice de la Direction des Pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA).
Bien qu’il résume ses échanges au combat de David contre Goliath, ou bien d’un défaitiste, «tout est plié !» en ce qui concerne les thoniers senneurs, certaines avancées sont à noter.
Moins de thoniers… en théorie
En matière de DCP dérivants accusés d’appauvrir la zone de pêche des mahorais au profit de la zone des 100 miles (185 km des côtes) réservée aux thoniers, «la DPMA et le Comité national des pêches m’ont assuré qu’ils allaient en demander le retrait». Tout comme la règle d’antériorité n’autorisant dans leur zone de pêche que les thoniers y ayant travaillé 40 jours d’affilés par an pendant deux ans : «elle devrait s’appliquer», ce qui restreint considérablement le volume de pêche. Reste à savoir qui va contrôler, et comment ?… les Affaires maritimes n’ayant que peu de moyens nautiques.
En ce qui concerne la non reconnaissance du Parc Naturel Marin par l’Union Européenne, Olivier Laroussinie, directeur de l’Agence des Aires Marines protégées, en visite à Mayotte il y a deux semaines, devrait être sollicité. C’est un biais par lequel la France, et donc Mayotte, peut avoir son mot à dire sur des eaux également soumises à la réglementation européenne.
Des rencontres dont il garde une impression qu’il qualifie lui-même de «mi figue-mi raisin». A suivre donc…
Label « Poisson pêché à Mayotte »
Le vice-président de la CAPAM a profité d’avoir en face de lui des décideurs pour renouveler la demande d’un Comité de pêche pour Mayotte qui permettrait de régler les problèmes de contrats de travail, et d’un fascicule de pêche acceptable par La Réunion.
La demande la plus importante est sans doute l’appel à l’aide pour la formation des pêcheurs et agriculteurs, «la grande majorité sont illettrés et ne pourront jamais consommer les 300 millions d’euros du Fonds FEAMP européen». Et Dominique Marot propose qu’un formateur soit envoyé pour 5 ou 6 ans à Mayotte, «pas la peine d’envoyer les gens en métropole, tous n’iraient pas en cours ! Tout le monde profitera en revanche d’une formation sur place».
Enfin, il rêve d’un label «Poisson pêché à Mayotte» qui permettrait de lancer la filière, «et cela répond à un fonds européen».
Dernier coup de griffe quand même, pour «les Comoriens qui voulaient nous exclure de la Commission des Thons de l’Océan Indien qui se tient en mai au Sri Lanka. Heureusement, nous avons eu gain de cause !»
La valse de la réglementation européenne ne fait que commencer… on n’a pas fini d’entendre parler des pêcheurs de Mayotte !
Anne Perzo-Lafond
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