Le premier trimestre se termine à peine que les enseignants doivent déjà avoir décidé de leur affectation sur la prochaine rentrée. Les mouvements inter académiques sont effectivement clos depuis ce mercredi 10 décembre. Certains enseignants ont cédé à l’inquiétude.
C’est en janvier que l’on pourra observer la balance positive ou négative en faveur de Mayotte, mais déjà plusieurs enseignants ont fait connaitre leur crainte. Marie-Line enseignante en premier degré est arrivée en 2013 de Martinique sous l’ancien statut qui contraignait le séjour à Mayotte à deux fois deux ans maximum. Si elle décide de rester encore deux ans à Mayotte comme elle et son mari l’avaient prévu, elle s’inscrit de fait dans cette nouvelle académie et devra demander alors une mutation interdépartementale.
Après le flou qui avait prévalu au mois d’octobre dernier et qui avait incité les enseignants à descendre dans la rue, la toute fraiche ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem s’était engagée dans un courrier daté du 28 octobre : « les enseignants affectés à Mayotte auront la possibilité, s’ils le souhaitent, de retourner dans leur académie d’origine et ce, de manière pérenne ». Le risque de faire fuir les enseignants était trop grand, et l’attractivité du territoire était à ce prix selon les syndicats.
Ils ne pensaient pas si bien faire car Marie-Line n’est pas rassurée et a demandé à repartir dans son académie d’origine, la Martinique : « en restant à Mayotte, je prenais le risque de ne jamais pouvoir retourner dans mon département qui est très demandé, et de passer éternellement derrière des collègues qui auraient davantage de points ».
« 18 ans avant de retourner dans son académie d’origine »
Elle fait valoir une note de service qui indique que le retour vers ce département où l’enseignant exerçait en tant que titulaire avant d’arriver à Mayotte « sera examiné par l’administration avec toute l’attention nécessaire ». Si la formulation peut inquiéter, elle est purement de circonstance pour Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental du syndicat du premier degré FSU SNuipp qui se fie au courrier ministériel, « on ne peut pas avoir mieux ! ».
Le syndicat UNSA qui avait alerté sur ce flou, appelle les syndicats nationaux à la vigilance, « nous devons être relayés par nos propres forces à Paris », indique son responsable local Eric Hourcade, qui renouvelle sa demande que le passage à Mayotte serve de tremplin dans la carrière de l’enseignant.
Et, tout en reconnaissant les inquiétudes suscitées « par les incertitudes du gouvernement », nuance, « un collègue qui enseigne dans un département difficile comme le 93 en France, doit attendre 18 ans avant de retrouver son académie d’origine. On n’est quand même pas mal loti ! »
Marie-Line n’en démord pas : « quand la procédure d’indexation sera terminée, Mayotte ne sera pas plus attractive que la Martinique, et même moins que La Réunion, or elle est plus compliquée en terme d’enseignement et de moyens à notre disposition », témoigne celle qui avait beaucoup investi dans sa classe et pour ses élèves, « sur mes deniers et avec l’appui d’associations, et alors que la mairie de Koungou dont on dépend annonce un budget excédentaire ! ».
L’avenir de l’éducation à Mayotte réside donc dans la formation et la réussite au concours d’enseignants originaires de l’île, susceptibles de rester et de redresser le niveau scolaire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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