Il ne fait jamais bon être malade. Surtout quand tout n’est pas prévu pour être soigné sur place. Ce lundi 6 juillet se tenait une réunion préparatrice du comité de pilotage qui se tiendra en septembre sur la problématique des évacuations sanitaires entre Mayotte et La Réunion. Accueil, coût, problème de la langue… le chantier est énorme.
Contraction d’évacuation sanitaire, l’EVASAN est mise en place pour assurer au patient des soins adaptés à son état, lorsque le plateau technique est insuffisant sur place, et que la balance bénéfice/risque, liée au transport, penche en faveur d’un transfert urgent.
Chaque année ce sont 600 assurés sociaux mahorais qui bénéficient d’EVASAN vers La Réunion, auxquels se rajoutent des non assurés sociaux, « mais il y en a de moins en moins », assure Jean Véron, le directeur de la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte (CSSM).
Ce qui justifiait la rencontre ce lundi de 9h30 à 15h des partenaires mahorais dans le cadre du projet interrégional sur les EVASAN, au siège de la CSSM de Mamoudzou, avec notamment son directeur, des techniciens du Conseil départemental, des représentants du Centre Hospitalier de Mayotte (CHM), et de l’Agence régionale de santé (ARS).
Mineur, isolé malgré lui
Si « le système fonctionne globalement plutôt bien », selon le directeur de la CSSM, il n’en demeure pas moins que l’absence de coordination entre les acteurs pose plusieurs problèmes à La Réunion.
Les enfants pour commencer, « leur isolement se fait par la situation dans laquelle ils se retrouvent », explique un acteur réunionnais qui veut garder l’anonymat. Parfois issu d’une famille nombreuse à Mayotte et souvent monoparentale, le petit malade part sans sa maman qui garde ses frères et sœurs, et se retrouve malgré lui mineur isolé, « il est alors pris en charge par les services de l’Aide sociale à l’enfance, alors que le lien parental existe toujours ». Un problème de coordination que les professionnels comptent solutionner par ce comité de pilotage entre les deux îles.
Les non assurés sociaux parce qu’en situation irrégulière à Mayotte, sont automatiquement pris en charge par l’Aide médicale d’Etat (AME) de La Réunion, qui n’existe pas à Mayotte.
L’EVASAN, moins cher que des soins sur place…
En terme de soins, si ces patients venus du Canal du Mozambique sont vus comme un gouffre financier à La Réunion, il faut considérer que l’acte médical serait de toute façon pratiqué, et que pour l’Etat, ce n’est donc qu’un jeu d’écriture. Sous ce biais, le coût n’est pas si élevé que cela pour la CSSM, selon Jean Véron, « 800.000 euros de transport et 300.000 euros d’hébergement. » Même mieux, le rapport de la Cour des Comptes souligne que les frais engagés pour l’Etat sont moindres avec l’EVASAN que s’il fallait rémunérer des médecins à Mayotte…
Sur place, à La Réunion, le problème est double. Tout d’abord, il faut 6 mois pour que le patient soit pris en charge par la sécurité sociale réunionnaise, un délai que les acteurs tentent de réduire à 3 mois. Puisque ce temps de latence n’existe pas lorsqu’on passe d’un département à l’autre en métropole. Ensuite, l’hébergement est insuffisant avec seulement deux structures conventionnées par la CSSM, et un manque d’aidants familiaux susceptible d’accueillir les malades dans de bonnes conditions : « le système n’est pas parfait » reconnaît Jean Véron, « mais nous travaillons sur l’accompagnement du patient ».
Accueillir un patient qui ne parle que shimaoré n’est pas non plus facile pour le personnel médical réunionnais, un problème qui commence à être pris en compte : « une convention entre les hôpitaux des deux îles nous permet de mettre à disposition deux accompagnants », souligne le directeur de la CSSM.
On en saura davantage en septembre, lorsque le comité de pilotage sera véritablement mis en place. C’est un pont qui a été difficile à bâtir qui est jeté entre les deux îles. Il ne reste plus aux professionnels qu’à l’emprunter.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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