CARNET DES ASSISES DU JDM. Assommés. Me Andjilani s’assoit à côté de son client. Le tribunal vient de rendre sa décision. A la question, «l’accusé est-il coupable d’avoir à Chiconi le 15 novembre 2012 tenté d’avoir donné la mort» à la victime, une jeune femme de 16 ans, les 3 magistrats et les jurés populaires ont répondu oui. Et la peine qu’ils viennent de prononcer est plus lourde qu’en 1ère instance. Suivant les réquisitions de la procureure Prampart, ils ont condamné le jeune homme à 15 ans de réclusion criminelle. Il avait été condamné à 13 ans, un an plus tôt.
Il devra aussi verser 8.000 euros de dommages et intérêts à la mère alors qu’un expert sera nommé pour la jeune victime. Son travail permettra de fixer ultérieurement le montant des réparations pour celle qui aujourd’hui est devenue majeure.
Pour elles, c’est la satisfaction et le soulagement. La jeune victime et sa famille peuvent enfin tourner la page. «Je suis fière de la justice française», confie la mère. «Ce que je voulais, c’est que justice soit faite à ma fille.»
Le courage d’une jeune femme blessée
Me Ghaem, l’avocate des parties civiles avait fait une brève plaidoirie. Elle a rappelé le courage de la jeune femme de revenir, en appel, raconter à nouveau le drame et se replonger dans cette matinée infernale où l’accusé l’avait attrapée par derrière à l’arrêt du bus pour lui trancher la gorge. «Les choses se sont passées en deux temps, a rappelé l’avocate. Il aurait pu être pris de remords mais quand elle a commencé à courir, il l’a rattrapé 30 mètres plus loin pour remettre des coups de couteau.» Dans le huis clos de son témoignage, la jeune fille a d’ailleurs expliqué simplement qu’il n’avait eu aucune pitié.
«Ils ont oublié qui était ce gars», constate Me Andjilani, l’avocat du condamné. «Ils n’ont vu que les coups de couteau et le courage de cette jeune fille», admet-il. Dans sa plaidoirie, il a tenté de contrecarrer tous les reproches que l’on a fait à son client, du théâtre quand il pleure, de la froideur quand il est silencieux. Il a aussi rappelé que l’homme a changé après les 3 ans passés en prison. Mais cet argument a eu du mal à porter. Il a beaucoup parlé de lui, de son projet de se reconstruire, jusqu’à ses derniers mots : «Je ne veux pas me voir comme ça, ce n’est pas moi».
Un nouveau départ
La prise de conscience de la gravité de son geste est-elle vraiment là ? Le tribunal n’a pas été convaincu. Faire appel ne signifie pas forcément accéder une peine plus clémente, il en fait l’expérience.
La jeune femme va maintenant pouvoir prendre un nouveau départ dans la vie. «Son adolescence est fichue. Sa vie de femme est compliquée», explique Me Ghaem. «Ce n’est pas une femme mûre qui a été frappée, c’est une jeune fille de 16 ans, qui depuis ne sort jamais seule, n’a plus de petit copain.» Sa mère a parlé d’avenir. Elle veut que sa fille ait son bac et qu’ensuite, elle parte de Mayotte. Pour vivre loin des démons de sa jeunesse abîmée.
RR
Le Journal de Mayotte
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