Bien qu’elle n’ait que 38 ans à Mayotte, la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte (CSSM) contribue activement à fêter les 70 ans de sa grande sœur métropolitaine, en s’offrant notamment un nouveau siège. L’occasion pour dresser un bilan de 38 ans, fait d’avancées, et d’attentes fortes de son directeur Jean Véron en matière de retraites ou de CMU-C.
Après avoir posé sa première pierre ce vendredi 23 octobre, le bâtiment étalera ses 12.000 m2 prés du rond point de la zone Nel à Kawéni en 2017 si tout va bien. Un investissement de 23 millions d’euros. Plus de la moitié sera occupée par la CSSM, qui regroupe là ses 9 sites de Grande Terre, et le reste partagé entre l’Agence régionale de Santé (ARS) et d’autres opérateurs. « Nous centralisons ainsi l’accueil avec l’implantation de 25 boxes pour nos 1.500 visiteurs quotidiens », explique Jean Véron, directeur de la CSSM.
La sécurité sociale ne se résume pas aux imprimés marrons ou verts que Zézette s’évertue à remplir dans le « Père Noël est une ordure », « c’est l’assurance qui vous suit de la naissance à la fin de votre vie ». Les 5 branches sont inclues au sein de la Caisse de sécurité sociale à Mayotte, l’assurance maladie, la vieillesse, les allocations familiales, les accidents du travail-maladies professionnelles et le recouvrement qui redistribue au quatre précédentes.
Justement, comment se porte la Caisse de Mayotte ? « En collectant 100 millions d’euros pour en redistribuer 350 millions, nous sommes obligés de faire appel à la solidarité nationale, comme les autres DOM », déclare Jean Véron. Et cela ne va pas s’arranger, « les cotisations croissent à un rythme de 3% par an à Mayotte, contre 10% pour les prestations. »
Des inactifs qui gagnent plus que les retraités…
Toutes les recettes, y compris celle des retraites, partent vers la métropole, qui reverse donc plus du triple. Des retraites dont la caisse est excédentaire : « nous avons 4.500 retraités, pour 35.000 salariés. Mais cela ne va pas durer, « quand les 35.000 salariés vont devenir peu à peu des retraités ».
Un rapport démographique défavorable dans 20 ans, justement quand le système des retraites commencera à s’aligner sur la métropole, et que les transferts vers Mayotte devront donc être plus importants. « Mais sur le plan national, la branche vieillesse ne sera plus déficitaire dès l’année prochaine »
Si notre caisse est équilibrée, il ne fait pas bon partir à la retraite pour l’instant à Mayotte : « le montant moyen des retraites est de 400 euros, soit inférieur au montant moyen du RSA distribué* ! » Donc le revenu d’un inactif est supérieur à celui d’une personne qui a travaillé toute sa vie… !
Viser une retraite à partir de 2027
Car si la règle de calcul est la même qu’en métropole, le plafond est moitié moindre (1.400 euros** cette année à Mayotte contre 3.100 euros en métropole), « ce qui porte une retraite à taux plein à 700 euros maximum à Mayotte », déplore Jean Véron qui rappelle que le gouvernement a refusé d’accélérer le rattrapage qui sera effectif pour ceux qui entreront sur le marché du travail en 2027… Une convergence qui a mis 50 ans dans les autres DOM malgré tout.
La branche famille est l’autre secteur où le fossé subsiste avec la métropole, « nous n’avons que 7 prestations ici, contre une trentaine en métropole », ainsi que le montant du RSA qui demeure à 50%. L’assurance maladie en revanche est bien couverte, avec de nouvelles prestations, invalidité, décès…
Des mahorais défavorisés
En dehors des retraites le sujet qui fait débat sur le territoire, c’est la mise en place de la CMU-C, alors que la CMU, qui s’adresse aux non assurés sociaux, existe à Mayotte sans la nommer… Explications : « toute personne résidente à Mayotte a accès aux soins gratuits, comme en métropole. C’est l’objectif, atteint donc, de la CMU, même si elle n’a jamais été officiellement implantée ici. » Par contre, l’hôpital subit la différence puisqu’en métropole il se refinance avec la CMU, pas à Mayotte, « mais ce sont des fonds publics de toute manière », appuie Jean Véron qui rappelle la dotation de 150 millions d’euros en augmentation constante qu’il verse chaque année au Centre hospitalier de Mayotte.
La CMU-C permet aux non assurés sociaux d’accéder à la part mutuelle des dépenses de santé. Un arrêté qui n’est jamais sorti à Mayotte. Là encore, Jean Véron tord le cou aux idées reçues : « qu’elle existe ou pas, les gens continueront à venir en kwassa. Par contre, les mahorais à faibles revenus ne peuvent en profiter et se soigner correctement ! »
Parmi les avancées, on notera l’arrivée de la carte Vitale, « 14.000 distribuées depuis moins de deux ans en priorité aux grands malades et aux personnes âgées », sur un potentiel de 80.000.
Tous les assurés sociaux ne pouvant se rendre à Mamoudzou, deux centres d’accueil ont été créés, l’un à Hamjago, l’autre en Petite Terre, « et bientôt deux autres à l’ouest et au sud. »
Enfin, la CCSM veut elle aussi laisser son empreinte dans la révolution numérique, « avec une agence du numérique qui offrira des services dématérialisés dès le 1er trimestre 2016. » Des ambitions que le nouveau centre à Kawéni va participer à concrétiser.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Sommes allouées au RSA divisées par le nombre de bénéficiaire
** La croissance du plafond mahorais est indexée sur le national, majorée d’un coefficient de rattrapage de 5,1% par an
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