On le sait, Mayotte ne consommera pas l’intégralité des fonds européens. Mais il faut limiter la casse. Pour inviter les porteurs de projet à se signaler, la préfecture de Mayotte a monté une grande après-midi de communication avec tous les services de l’Etat concernés.
La somme est alléchante, 320,9 millions d’euros sont alloués à Mayotte au travers de divers programmes européens. Mais de ce montant, notre île n’aura que ce qu’elle demande en remplissant des normes, pas forcément contraignantes, mais tout au moins strictes.
Pour relancer la machine, la préfecture a présenté les axes finançables, et le niveau de programmation de chaque fonds. Que nous allons décliner, dès fois que cela donne des idées à des porteurs de projets, c’est à dire à des structures déjà organisées, ce qui n’est pas légion sur le territoire.
Menace de dégagement d’office sur le FEDER
Le FEDER, tout d’abord. Le Fonds européen pour le développement régional est doté de 148,9 millions d’euros. Ses axes principaux concernent l’assainissement et les déchets, le sanitaire et le médico-social et le transport.
Ainsi, les services travaillent actuellement sur de nouveaux quais de transfert pour les déchets, une station d’épuration pour Petite Terre, des zones de mouillages pour accueillir des touristes sur le lagon, 10 Protection maternelle-infantiles (PMI), des investissements pour améliorer le mix énergétique, les transports en commun à Mamoudzou, les transports interurbains pour le conseil départemental, l’accroissement du fret maritime, etc. Une liste qui peut stimuler l’imagination, et inciter les futurs créateurs à contacter la préfecture*.
Car sur les 320 millions d’euros, seuls 11% sont programmés sur une période qui a commencé en 2014 et qui se termine en 2020. « Il faudra que nous atteignons sur l’ensemble des fonds 25 à 35 % en fin d’année 2016 », explique Alain Faudon, le Secrétaire aux Affaires Régionales de la préfecture. La menace, c’est le “dégagement d’office”, l’annulation par l’Europe, si le territoire ne consomme pas assez de fonds.
Pour accroitre l’efficacité de ses services, il les a d’ailleurs réorganisé en Comité technique composé de trois pôles, susceptibles de suivre les mêmes projets à travers : la Politique contractuelle à fonds partagés nationaux et départementaux comme le Contrat de projet-Etat région, les Affaires européennes, et le Pôle affaires économiques, sorte de guichet d’accueil des porteurs de projet.
A petites exploitations, petites exigences
Le FSE ensuite. Le Fonds social européen est doté de 65,5 millions d’euros. Il concerne principalement l’emploi et la formation professionnelle. Il propose notamment de participer à tous les projets d’accompagnement des demandeurs d’emploi, comme l’aide sociale à l’enfance. Une arrivée bénéfique que celle du FSE puisqu’elle a boosté le montage de dossiers de chantiers d’insertion.
Le FSE se porte mieux que le FEDER puisque 17 millions d’euros de projets sont déposés, soit 26%, dont 712.000 programmés.
L’IEJ, l’Initiative pour l’emploi des Jeunes, dotée de 9,2 millions d’euros, a consommé la totalité de son enveloppe avec 9 opérations programmées pour 3.354 jeunes. La présence de structures solides et rodées comme le BSMA ou Apprentis d’Auteuil n’y est pas pour rien.
Le FEADER, Fonds européen agricole pour le développement rural, est doté de 60 millions d’euros. Il traite de viabilisation des exploitations, d’organisation de la chaîne alimentaire ou de restauration et de préservation des écosystèmes. Sur ce fonds, 7% seulement sont engagés, « essentiellement en raison de la petitesse des exploitations agricoles concernées », explique l’intervenant. Il faudra avoir tout programmé d’ici 2017.
Retard du fonds pour la pêche et l’aquaculture
Le FEAMP, Fonds européen pour les affaires maritime et la pêche est doté de 3,2 millions d’euros. Il concerne l’implantation de jeunes pêcheurs, ou la création d’un port de pêche, ou la structuration de l’aquaculture. Il intègre un autre fonds, le Plan de compensation des surcoûts. Ils ont tous les deux pris du retard.
Le FEDER CTE, concerne la coopération territoriale européenne, transfrontalière, avec les Comores, puisque Madagascar a décliné, ou transnationale, en collaboration avec La Réunion. Sur les trois axes qui sont habituellement développés avec les îles voisines de Mayotte : amélioration des échanges économiques, la santé et l’enseignement. « La contrainte de taille est de trouver des structures partenaires aux Comores capable de prouver comment l’argent est mobilisé », explique Alain Faudon.
Un développement étroitement dépendant de l’Europe
En parallèle, ou plutôt en complément, était exposé le Contrat de projet Etat-région, de 378 millions d’euros, en coparticipation pratiquement identique. Il a été écrit en se calquant sur les fonds européens, ce qui permet d’assurer le financement de certains postes, et de ne pas disperser, ni saupoudrer des sommes déjà inférieures à ce qu’elles devraient être, notamment pour l’assainissement.
Car Mayotte se trouve écartelée : devenue Région ultrapériphérique européenne trop tôt, aussitôt après avoir été département, ses porteurs de projet doivent répondre à des exigences très, trop, contraignantes pour des structures qui n’ont pour la plupart pas encore de bilan comptable. Ce fut pratique pour l’Etat qui, sans parler de désengagement, y voit la chance d’une prise en charge du développement structurel par l’Europe. Mais plus difficile pour un département récent qui aura du mal à mobiliser les projets et donc les financements qui vont avec.
C’est tout le paradoxe de Mayotte qui a besoin de ces investissements structurants, mais qui a besoin pour cela… de se structurer.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*0269 63 50 02
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