Des 16 candidats de départ, dont un seul garçon, ont percées Charfina Saïd et Fatima Madi Maftaha, qui ont su tenir la dragée haute à leurs concurrents à coups d’arguments bien placés.
Des concours d’art oratoire qui sont généralisés à beaucoup de campus du territoire national, et qu’a importé à Mayotte Mathilde Bautrant, Chargée des Affaires générales et juridiques au CUFR : « Je viens de l’université d’Aix-Marseille, et je trouvais qu’il ne fallait pas passer à côté ici. Réservé aux étudiants en droit pour cette première, nous l’ouvrirons à tous l’année prochaine. » Avec peut-être la possibilité de participer à la finale nationale ?
Que ce soit à la Sorbonne où il fallait défendre l’année dernière « Est-il plus facile de répondre ‘non’ ? », ou sur d’autres campus « Si la vérité blesse, c’est de la faute de la vérité », argumenter avec éloquence pendant 5 minutes, avec humour, citations, et improvisation n’est pas toujours aisé pour les étudiants.
« Je ne sais qu’une chose, je ne sais rien »
A Dembéni, était-il plus facile de défendre la connaissance, tellement évidente qu’il était facile de tomber dans les poncifs, ou l’ignorance avec des tentants raisonnements par l’absurde ?
« En arrivant à Mayotte, le métropolitain ne devrait-il pas mieux cultiver son ignorance et trainer des pieds (mime à l’appui) pour se rendre à la barge que de courir au risque de louper son train ?! », attaquait Fatima Madi Maftaha, qui poursuivait, « Celui qui connaît Platon ou Marx est-il pour autant heureux ? D’ailleurs, l’ignorant ne peut pas savoir qu’il est malheureux ! »
C’est par Socrate, « Je ne sais qu’une chose, je ne sais rien ! », que Charfina Saïd commençait sa plaidoirie pour la connaissance : « Socrate qui ne fait l’apologie de l’ignorance mais justement de tout ce qui lui reste à connaître. » Des arguments centrés autour de la connaissance de l’autre, « arme contre la xénophobie ou l’islamophobie », mais aussi sur le rejet de la dictature, « dont l’ignorance est l’artillerie. »
Voyage culturel
Le jury exclusivement masculin lui, composé des maîtres de conférence Thomas Msaïdié, Aurélien Siri, Victor Bianchini et du bâtonnier Nadjim Ahamada, était chargé de les charcuter et d’ébranler leurs certitudes : « Comment cultiver son ignorance si on est ignorant qu’on est ignorant ? », « Nul n’est censé ignorer la loi, non ?! »ou « La connaissance est-elle une arme à placer entre toutes les mains ? » Répondre avec assurance et improviser devenaient des critères prioritaires. De futures graines d’avocates…
Le public d’étudiants n’en perdait pas une miette, et votait en appuyant la décision du jury : pas le choix, il faudra se cultiver puisque c’est Charfina qui l’emporte, « une décision très débattue », commente Laurent Chassot, le directeur du CUFR. Les deux candidates, qui sont alternativement majors de leur promo de 2ème année de droit, gagnent toutes les deux un voyage à Madagascar offert par l’agence Air Austral-Issoufali, et des ouvrages, histoire de ne pas revenir ignorantes de leur périple.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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