L’arrivée au pouvoir d’Azali Assoumani avait soulevé des questions sur le positionnement géopolitique des Comores, entre les influences de l’Arabie Saoudite (Sunnite) et de l’Iran (Chiite). Une note ministérielle du gouvernement comorien, relayée par nos confrères de RFI, apporte un premier élément de réponse. Cette note prendrait des «positions fermes contre la pratique d’un islam chiite sur le territoire» comorien, expliquent nos confrères. En clair, «les Comores reconnaissent la liberté de culte à tous sauf aux musulmans chiites» en interdisant «dans les lieux publics ou privés les rites musulmans non-sunnites».
Si la communauté indienne présente de longue date aux Comores «observe encore ces rites sans risque», il semblerait que «seuls les Comoriens chiites (qui ne seraient pas d’origine indienne, NDLR) sont visés par cette note».
Pour comprendre l’enjeu de cette note, il faut se pencher sur son auteur. RFI précise que ce document est signé par le ministre de l’Intérieur alors que le gouvernement comorien compte un «ministre de la Justice et des affaires islamiques». Ce dernier, Fahmi Saïd Ibrahim, est un proche de l’ancien président Sambi, qui avait créé le lien diplomatique entre les Comores et l’Iran. Sous sa présidence, Téhéran avait ouvert une ambassade dans la banlieue de Moroni en 2010, suivi de la création de plusieurs organismes alimentés par des capitaux iraniens.
Transposer les luttes d’influences régionales dans le pays
Ce réchauffement comoro-iranien avait particulièrement irrité le pouvoir saoudien qui pensait son influence acquise dans les 3 îles à la population à 99% sunnites. Par la suite, l’élection du président Ikililou Dhoinine avait ramené l’Union des Comores dans le giron de Riyad. En 2013, le royaume saoudien avait, à son tour, installé une ambassade dans la capitale comorienne puis signé un accord de défense avec les Comores.
Et lorsqu’en janvier 2016, les tensions entre les deux puissances régionales a poussé les pays de la zone à se positionner, Moroni avait suivi des états comme les Emirats arabes unis, le Bahreïn ou le Soudan qui s’étaient alignés sur l’Arabie saoudite en rompant ses relations diplomatiques avec l’Iran. L’épisode était la conséquence de l’attaque de plusieurs missions diplomatiques saoudiennes par des manifestants qui protestaient contre l’exécution du dignitaire religieux chiite saoudien.
Un désaveu pour Sambi
Sambi soutenant Azali Assoumani, le jeu diplomatique allait-il s’en trouver à nouveau bouleversé avec un retour en grâce de l’Iran? La première réponse semble donc négative. RFI souligne en effet que «cette note ministérielle marque un premier désaveu officiel de Mohamed Abdallah Sambi par le gouvernement Azali, une manière aussi pour le président Azali de souligner s’il était besoin son attachement à l’Arabie saoudite».
D’un point de vue légal, l’avenir de cette note n’est pas assuré, certains juristes soulignant son caractère anticonstitutionnel. Mais le document met au jour un certain climat qui pourrait se traduire par une sorte de «chasse aux sorcières» anti-chiites dans le pays. Cette note pourrait donc être une façon de continuer à transposer le conflit irano-saoudien dans le pays et de prendre part à la lutte d’influence entre les deux blocs pour affirmer leur leadership régional… Le tout sur fond de lutte anti-Daech, l’organisation djihadiste brouillant le jeu car se réclamant du sunnisme.
RR
www.jdm2021.alter6.com
Comments are closed.