Vendredi matin, 9 heures, plusieurs voitures de la police et de la PAF grimpent la colline menant au quartier de Tanafou. Situé sur les hauteurs de Passamainty, la zone croule sous les bangas clandestins. Ce n’est que l’un des nombreux «bidonvilles» qui fleurissent dans la périphérie de Mamoudzou, mais depuis quelques mois, celui-ci est devenu un endroit sensible: il sert de cachette à un certain nombre de délinquants, dont les fameux «coupeurs de route». Cette opération coordonnée entre la sécurité publique et la PAF a donc pour but de «nettoyer» la zone.
Cela fait déjà plusieurs mois que le quartier SIM de Tanafou est la cible d’actes de délinquance graves: cambriolages, vols à l’arrachée, vols de véhicules et agressions à l’arme blanche y sont monnaie courante. Tanafou est devenue une zone de non-droit. Le quartier SIM a d’ailleurs été déserté par ses habitants. Seules 4 familles y résident encore dont 2 projettent de partir dès que possible. Plus difficile pour les deux autres, placées en logements sociaux.
Le chaos a commencé à sévir dans la zone il y a quelques mois, lorsque la préfecture a décidé de faire raser une grande partie du bidonville de Tanafou. Des bandes de jeunes en colère se sont alors révoltés contre cet acte et ont incendié une pelleteuse. Les bangas ont quand même été rasés, mais les bandes de jeunes délinquants ont trouvé refuge dans la brousse et ont continué à perpétrer leurs forfaits, galvanisés par une haine de plus en plus vivace des autorités.
Le repère des coupeurs de route
Ces bandes opèrent dans un secteur qui s’étend de Tanafou jusqu’à la Kwalé. C’est parmi eux que se trouvent les fameux coupeurs de route qui ont terrorisé la population avant les vacances d’été. Si certains ont été arrêtés, d’autres courent toujours et ont recommencé à attaquer les usagers de la route nationale de Vahibé au début du mois de décembre dernier.
La PAF effectue 4 opérations par mois de contrôle d’identité dans les zones sensibles avec la police et 4 autres avec la gendarmerie. Délinquance et clandestinité sont deux aspects malheureusement parfois liés. Si les immigrés sans papiers ne peuvent pas travailler légalement sur le territoire français, certains ont recours à du travail au noir, d’autres encore à des actes de délinquance pour assurer leur subsistance. D’où la collaboration de la PAF dans ces opérations de sécurité publique.
Dès l’arrivée de la police sur les hauteurs de Passamainty, un attroupement se forme du côté du bidonville et plusieurs personnes s’enfuient dans la brousse aux cris d’alerte: «Moro! Moro!» («Au feu! Au feu!»), la façon habituelle de prévenir de l’arrivée des forces de sécurité. Une voiture de la PAF se lance alors à leur poursuite en faisant le tour par la route nationale. En vain. Les individus ont le temps de disparaître dans la nature. Cela ne décourage pas les agents, qui se dirigent d’un pas ferme vers le bidonville afin d’y effectuer les contrôles nécessaires.
Un quota de 17 clandestins par opération
Si un certains nombre de personnes contrôlées étaient en règle, certains clandestins ont néanmoins été repérés et poursuivis par les agents de la PAF. Neuf d’entre eux ont ainsi été interpelés et arrêtés. Les fonctionnaires de la PAF, plus discrets dans leurs tenues civiles que ceux de la sécurité publique, ont ensuite continué seuls leur traque des clandestins du côté du marché de Kwalé. Nous comprenons que leur hiérarchie exige en effet un quota de 17 arrestations de personnes en situation irrégulière par opération menée.
Lorsque la PAF agit seule, elle est souvent plus efficace, car les policiers en uniforme se font très rapidement remarquer. Néanmoins, ces opérations coordonnées ont également pour but de rassurer la population. Il s’agit pour les autorités de lui montrer que la police et la gendarmerie sont bel et bien sur le terrain pour maintenir l’ordre. Les agents de terrain sont d’ailleurs en lien constant, par radio ou téléphone portable, avec des agents du commissariat. Ceux-ci sont chargés de regarder dans les dossiers si les personnes arrêtées sont recherchées pour des actes de délinquance. De même, si un scooter est repéré au sein du bidonville, la police vérifie automatiquement s’il n’a pas été signalé voler.
Des opérations récurrentes à Tanafou
L’opération s’acheve aux alentours de midi, après environ 3h de course à travers le bidonville de Tanafou et la brousse qui l’entoure. Après les 9 interpellations, les policiers doivent maintenant réaliser des vérifications sur le parcours de ces clandestins.
Si les individus les plus dangereux de la zone font probablement partie de ceux qui ont pris la clé des champs dès l’arrivée des voitures de polices, il n’en reste pas moins que les autorités leur laissent de moins en moins de répit. Des opérations de ce genre toujours plus nombreuses seront en effet menées dans le secteur, jusqu’à un certain retour au calme, promettent les autorités. De quoi refroidir peut-être un peu les ardeurs des délinquants et rassurer une partie de la population, terrorisée depuis plusieurs mois.
Nora Godeau
www.jdm2021.alter6.com
Comments are closed.