Parmi le champ des réponses, la présence de richesses sous-marines et la position stratégique de l’île, figurent en bonne place. Qui mieux, en dehors des décideurs politiques de la capitale, que le commandant supérieur des forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien (FAZSOI) pour en parler. C’est sur ce sujet des enjeux de la présence militaire française dans la région que s’est donc exprimé le général Franck Reignier vendredi dernier, dans le cadre du renouvellement du Trinôme académique entre l’Education nationale et l’armée.
C’est un connaisseur de la région pour avoir travaillé à Madagascar 3 ans il y a 30 ans, et à Moroni, avec le colonel Azali Assoumani aux Comores pendant 2 ans.
Dans sa juridiction, 14 pays, dont 45.000 ressortissants français, qu’il voit comme autant d’évacuations, « à extraire en cas de besoin ». Et à l’entendre, les raisons ne manquent pas.
Zones de non droit à Madagascar
Les facteurs de tension peuvent être culturels, ethniques, « comme à Mayotte entre les ressortissants des autres îles et les habitants, ou à Madagascar, les postes sont différemment octroyés selon que le prétendant est natif des hauts-plateaux ou de la côte », ou encore religieux, « avec le départ des Iraniens des Comores à la demande du président Azali qui ne veut qu’un islam sunnite », sans oublier les enjeux économiques, « à Madagascar, le pillage des mines par les Sri-Lankais, ou du bois de rose par les chinois. »
Aux problématiques sécuritaires, que posent les migrations à travers la Tanzanie ou les difficultés croissantes en Afrique du Sud, s‘ajoute la pêche illicite de thoniers dans la zone, « de la part d’asiatiques, ou même de bateaux malgaches qui viennent piller la ressource halieutique pour des personnalités régionales ».
Le risque terroriste est évidemment présent, avec « des membres de Boko Haram qui transitent dans les pays africains, 100 personnes fichés S à La Réunion, et à Madagascar où « l’insuffisance de forces armées laisse s’installer des zones de non droit, à l’heure où un islamisme galopant se traduira bientôt par la construction de 2.000 mosquées financées par l’Arabie Saoudite et le Koweit. »
2.000 milliards d’euros de gaz dans le Canal du Mozambique
Pour gérer la zone qui s’étend du sud de l’Afrique au Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), le général annonce faire avec ce qu’il a : « Nos deux départements français, dont Mayotte qui atteint ses limites, ne sont pas une priorité pour le pouvoir militaire plus préoccupé par le Sahel et la Syrie »… Le Mozambique et son Canal ne laisse toutefois pas indifférent, en raison de son potentiel de richesses, « des ressources gazières proches de celle du Qatar, qu’on évalue à 2.000 milliards de d’euros, soit l’équivalent de notre dette ! »
Selon la déclinaison du Plan Cazeneuve, le bâtiment multi mission « Le Champlain », fera régulièrement escale à Mayotte, doublé de l’arrivée de la vedette « Verdon » depuis La Réunion où elle était basée, qui secondera l’ « Odet » dans la lutte contre l’immigration clandestine.
« Tu sais où sont les usines de kwassas ! »
Grande nouveauté, la mise en place à Mayotte d’un centre de recrutement de l’armée de terre, une antenne du Cirfa (Centre d’information et de Recrutement des armées), est annoncée par le Colonel Bariety, Chef de corps du Détachement de la Légion étrangère de Mayotte (DLEM).
Lutter contre l’immigration clandestine, ce n’est pas vraiment la tasse de thé des militaires, « on est loin de la mission historique des armées », glissera-t-il, alors que le général Reignier soulignait la difficulté de devoir confisquer le matériel de pêche et les barques de pêcheurs malgaches hors de leur zone à Juan de Nova, « il le font pour survivre. » De là à parler de l’universalité de la ressource, il y a malgré tout un grand pas…
Les militaires ont dû malgré tout accompagner la gendarmerie ce vendredi sur l’îlot Mtsamboro, « sur réquisition du préfet », ce qui a permis d’intercepter un passeur.
L’intervention du général ne pouvait se solder que par de nombreuses questions sur la perméabilité des frontières à Mayotte. Une question que le militaire avait déjà abordée il y a 30 ans avec le colonel Azali Assoumani, qui préside de nouveau l’Union des Comores : « Tu sais où sont les usines de kwassas ! », l’avait-il interpellé. Mais une action le rendrait « impopulaire », alors que la population reproche la mise e, place du visa Balladur. « La seule solution est de les aider à se développer », conclura-t-il.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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