Dans un hôpital sous tension, les médecins urgentistes de Mayotte craquent. Ils publient ce vendredi une lettre ouverte qui détaille leurs conditions d’exercice. Au SAMU, au SMUR et pour les Evasan, ils dénoncent un fonctionnement qui est de nature à faire «courir des risques aux patients du fait du sous-effectif, et de (leur) épuisement». Pour marquer les esprits, ils ont organisé leur planning pour le mois d’avril. «En respectant notre temps de travail légal, plus aucun médecin ne sera présent dans le service des urgences de Mamoudzou à compter du 18 avril 2017 et jusqu’à la fin du mois», expliquent-ils.
L’élément déclencheur de ce coup de colère est probablement l’annonce d’«absence totale d’internes aux urgences de Mamoudzou entre mai et septembre 2017. Habituellement 6 à 8 internes sont affectés aux urgences». Les internes sont pourtant essentiels au bon fonctionnement de ces services.
Ces médecins en formation «participent à la continuité des soins, au service de gardes et d’astreintes, et permettent ainsi de sécuriser l’accueil des patients aux urgences en particulier lorsqu’un des deux médecins de garde sort en intervention SMUR», explique la lettre.
Une situation qui devient «dangereuse»
«En l’absence d’internes, le médecin de garde restant aux urgences devra assurer la responsabilité de l’accueil des nouveaux patients, des patients graves, de tout évènement grave et imprévu, de la surveillance et du suivi de tous les patients en cours d’examen, ainsi que du service d’hospitalisation des urgences»… Pour les urgentistes, la situation devient «inacceptable et dangereuse» car cette absence annoncée vient s’ajouter à des postes non-pourvus.
«Nous faisons des efforts depuis plusieurs années, mais nos limites ont été atteintes. La qualité de notre accueil -les délais d’attente et la courtoisie- s’en ressent et nous déplorons le sentiment de maltraitance rapporté par certains patients et leurs familles. Encore plus grave, le temps dédié au diagnostic, au traitement et à l’orientation se voit réduit et parasité par les multiples tâches que nous avons à effectuer, majorant le risque d’erreur et d’accident de prise en charge». Avec ce courrier, la crise éclate donc au grand jour.
La solitude des urgences hospitalières
Selon les médecins, les urgences de Mayotte doivent traiter environ 50.000 passages annuels. Mais à la différence de la métropole ou de La Réunion, ces services sont seuls en première ligne. «Travailler à Mayotte signifie pour nous tous travailler en mode dégradé, sous contraintes et parfois, sans filet de sécurité», constatent les médecins.
Dans notre département, il n’y a pas de médecine libérale digne de ce nom, pas de maison médicale de garde, pas de structures comme «SOS médecins», peu de spécialistes. Les urgentistes ne peuvent pas non plus s’appuyer sur des «spécialités interventionnelles d’urgence» comme la coronarographie, la radiologie interventionnelle, la chirurgie thoracique, vasculaire et neurochirurgicale… Alors que les transports sanitaires vers La Réunion qui permettraient de sécuriser les prises en charge «sont limités».
La menace de départs massifs
Dans ces conditions de «crise aigüe», quelles peuvent être les solutions? Face aux difficultés de recrutement, les urgentistes demandent au Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) Mayotte-Réunion, de jouer son rôle pour «favoriser un égal accès à des soins sécurisés et de qualité». Ils en appellent donc à la solidarité territoriale. Ils veulent aussi que des solutions soient trouvées pour remplacer les internes absents. Ils demandent enfin une augmentation des effectifs paramédicaux -infirmier(e)s et aide-soignant(e)s- aux urgences et le respect du temps de travail des urgentistes.
«Nous sommes ici car nous croyons à la santé pour tous, indépendamment des situations administratives et sociales, parce que nous aimons notre métier, et avons tous à cœur un engagement médical et citoyen», rappellent-ils mais ils préviennent: «En l’absence de prise en compte de nos demandes, nous envisageons malheureusement une vague de départ sans aucune perspective d’arrivée de nouveaux médecins, pouvant mettre en danger à très court terme la prise en charge des urgences à Mayotte.»
Ces départs interviendraient après des «années d’investissement» à Mayotte pour certains d’entre eux, un engagement «qui va bien au-delà de leur temps de travail officiel». Sans mauvais jeu de mot, effectivement, il y a urgence.
RR
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