Si Mayotte ne parvient pas à structurer sa filière vanille, les Comores avancent à très grands pas, suivant la volonté du président Azali Assoumani. Car le gouvernement a décidé d’une reprise en main étatique étroite du secteur pour en faire une filière de croissance, source de devises. Les cours avoisinant les 400 dollars le kilo, chaque tonne exportée représente ainsi actuellement 400.000 dollars… de quoi booster le commerce extérieur du pays.
En février dernier, Azali Assoumani a installé un Office national de la vanille (ONV) dont le directeur général, Aboubakar Abdoulwahab, a livré en fin de semaine dernière la stratégie qu’il a imaginé. Cela pourrait se résumer ainsi: «tout est sous contrôle». Pas question de laisser les producteurs et le secteur évoluer comme bon leur semblent. L’Etat veillera sur tout, avec comme argument la compétitivité.
Tout d’abord, les producteurs vont devoir se doter d’une carte professionnelle pour qu’ils soient identifiés ainsi que leurs zones d’activités. Ensuite, l’ONV va établir un calendrier de récolte région par région, pour ne pas reproduire les erreurs malgaches, avec des producteurs qui récoltent trop tôt, ce qui a pour effet de faire baisser le taux de vanilline et donc la qualité finale de la production.
Et pas question de jouer avec ces règles : «Aucun producteur ou préparateur ne peut récolter ou préparer la vanille sans l’accord du gouvernement», a tenu à préciser Aboubakar Abdoulwahab. Et pour être sûr d’être parfaitement compris, il a précisé que l’ONV va travailler avec la gendarmerie pour fermer les magasins qui ne respecteraient pas cette mesure.
Objectif : 90 tonnes à l’export
«Pour amorcer la relance de la vanille, nous avons un accord avec le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) et la Chine pour octroyer des subventions aux producteurs afin de maximiser considérablement la récolte. Actuellement, nous exportons 23 tonnes, mais nous avons un défi qui est d’exporter 90 tonnes d’ici trois ans», a-t-il précisé. Le calcul est simple: à 400 dollars le kilo, les Comores peuvent ainsi espérer, si les cours se maintiennent, tirer un profit de l’ordre de 36 millions de dollars.
Les producteurs seront-ils rémunérés en conséquence où l’Etat captera-t-il l’essentiel de la manne de cet or noir agricole? Le président de l’ONV a promis «un prix attractif tant pour les producteurs que pour les préparateurs et acheteurs», sans véritablement convaincre les sceptiques qui attendent de voir.
En attendant, des ingénieurs sillonneraient déjà les trois îles de l’Union de Comores pour dresser la liste des producteurs qui bénéficieront des subventions établies en fonction des surfaces cultivées ou encore du volume de leur récolte.
Le défi de la sécurité
L’objectif de 90 tonnes d’exportation paraît ambitieux mais, sur le papier, il n’est pas irréaliste. L’ONV remarque qu’il y a 40 ans, juste avant l’indépendance, les Comores exportaient 180 tonnes de vanille, avant que la culture ne décline lentement.
Mais le secteur devra affronter la question sécuritaire dans les campagnes comoriennes. Là-bas aussi, les vols se multiplient et sont de nature à perturber les plans gouvernementaux. «Nous avons rencontré les chefs de village, notamment dans la région de Mitsamihuli (au nord de la Grande Comore), et ils sont sensibilisés. Nous avons un accord avec la gendarmerie et la population peut appeler le 118 pour dénoncer les voleurs», a indiqué Aboubakar Abdoulwahab qui annonce une «lutte sans merci» contre le phénomène.
Le secteur aborde donc sa prochaine campagne de récolte de la vanille sous l’égide d’une reprise en main par l’Etat. Et le pari semble gagnable face au géant malgache incapable de réguler un secteur, ivre de spéculation.
Le grand n’importe quoi malgache
Alors que la production de Madagascar pourrait dépasser les 2.000 tonnes, les prix connaissent une envolée spéculative liée à l’argent sale du trafic de bois de rose. L’exportation des essences rares malgaches est interdite mais la contrebande génère des sommes colossales qui sont blanchies via les achats de vanille.
Cette situation a donc pour conséquence de faire baisser la qualité. Les petits producteurs malgaches gagnant beaucoup d’argent et craignant un effondrement des cours, accélèrent les processus de production. Les gousses sont récoltées bien avant qu’elles n’arrivent à maturité alors que la qualité des arômes se développe en fin de cycle.
Les Comores ont donc une carte à jouer et saisissent le moment idéal pour se relancer et organiser une filière prometteuse. Une fois n’est pas coutume, c’est du côté comorien que vient l’exemple de volontarisme qui fait défaut pour faire redémarrer notre production locale.
RR
www.jdm2021.alter6.com
Comments are closed.