«Apprends pour apprendre aux autres». C’est la très jolie devise que s’est donnée à Mayotte la journée de promotion de la lecture et de l’écriture. «Soma-Usomedzé» est organisé dans le cadre de la Journée nationale d’action contre l’illettrisme (JNAI) le samedi 9 septembre. A partir de 9 heures, dans le gîte de Mliha, à Mtsangamouji, une très longue liste d’associations invitent tous ceux qui le souhaitent à partager leur engouement pour les mots et le plaisir de la lecture. Sous la houlette de la
Ligue de l’Enseignement et de la mairie de Mtsangamouji, les animations et les jeux de la matinée prépareront l’ambiance pour le concours de lecture de l’après-midi avant la remise de prix et de certificats.
«Avant le livre, il y a la voix. La lecture à voix haute est même souvent à la source du goût pour la lecture. Trop longtemps, on a opposé oral et écrit. Pourtant, il suffit d’écouter des lecteurs évoquer leurs souvenirs d’enfance pour comprendre qu’avant le livre, il y a bien souvent la voix: nombre d’entre eux mentionnent une scène «fondatrice» où la voix est essentielle. Très souvent, c’est la mère qui lit ou raconte des histoires, mais ce peut être le père, la grand-mère, le grand-père, une tante, un enfant plus âgé ou un adulte extérieur à la famille». Cette phrase est issue d’un ouvrage de l’anthropologue Michèle Petit qui a publié «Eloge de la lecture». Elle a été choisie par les organisateurs pour faire comprendre que la voix, les récits et les lectures à voix hautes pourraient retrouver une place essentielle à Mayotte.
Les associations partenaires de Soma Usomedzé y croient. Car cette opération est l’aboutissement d’une année de travail avec des accompagnateurs scolaires, des dirigeants associatifs et des bénévoles retraités. Chaque association (soit 90 bénévoles) s’est mobilisée pour proposer à 240 enfants âgés de 7 à 11 ans un atelier ludique de lecture, d’écriture ou d’expressions, mais aussi le fameux concours de lecture à voix haute. Et les enfants volontaires ont été accompagnés par les associations, tout au long des vacances, pour préparer ce concours.
Les associations au cœur du combat
Depuis 3 ans, la Ligue de l’Enseignement a donc fait le choix de mobiliser les associations pour la sensibilisation et la lutte contre l’illettrisme… Peu à peu, reproduisant l’exemple de chaque événement de lecture, ces structures se sont regroupées avec comme objectif de dupliquer les bonnes pratiques, d’en créer de nouvelles, en les adaptant à leur village et à Mayotte. Soma Usomedzé est donc devenu un rendez-vous particulier, où il n’y a pas qu’un seul et unique programmateur mais des groupes de bénévoles associatifs qui souhaitent s’associer pour agir. On trouve ainsi côte à côte des gens de Longoni, Kawéni, Doujani, Mtsangamouji, Moinatrindri…
«Cette manifestation offre aux enfants une situation de communication avec les autres dans laquelle il s’agit de lire pour autrui et de partager le plaisir d’un texte. Elle met aussi les enfants en situation de s’exprimer devant un groupe, un public, ce qui favorise les compétences d’échange, de débat dans un groupe et d’expression de son point de vue», expliquent les organisateurs.
19% de bacheliers illettrés
Valoriser la lecture, voici donc une belle manière d’associer Mayotte à la journée de lutte contre l’illettrisme. Car, la situation chez nous n’est pas très bonne et mérite bien cette mobilisation et bien d’autres encore.
A Mayotte, 6 personnes sur 10 ne maîtrisent pas les compétences de base en langue française. Dans notre département où la scolarisation de masse est récente, une personne sur trois n’a jamais été scolarisée. Mais alors que près de 97% des jeunes mahorais vont aujourd’hui à l’école, cette massification de l’enseignement n’a pas résolu les difficultés avec la langue française. L’illettrisme touche chez nous encore 19% des bacheliers, une situation très atypique comparée aux autres départements.
Une plate-forme contre l’illettrisme (PFLCI) a été mise en place et l’enjeu est tel qu’elle a été intégrée au contrat de plan Etat-Région. Car pour donner une idée du retard à rattraper, il faut garder en mémoire qu’en métropole, 7% de la population est considérée comme illettrée. Et si chez nous, le français n’est pas la langue maternelle de la majorité de la population, une étude de l’Insee sur le sujet en 2012, montrait que les personnes dont les lacunes sont importantes en français maîtrisent également mal la langue mahoraise. C’est donc bien la question générale de l’apprentissage des langues en général et de la lecture en particulier auquel notre département doit encore faire face.
PM
www.jdm2021.alter6.com
* Soma Usomedzé est organisé par : la Ligue de l’enseignement de Mayotte, AAISPM CPECK, Nya Moja de Longoni, ALIM, Action Coup de Pouce de Kawéni, Gnora Ndjema Ya Doujani, PREM, Espoir et Réussite de Doujani, ACJMT, OMJS de M’tsangaoumji, FR-FAM de Moinatrindi, UDAF de Mayotte, Wema watrou, AVNE, RAIV, R.101 Hippocampe, Msada Wa Malezi, Wenka Culture, CEMEA, Croix-rouge et la commune de Mtsangaoumji.
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