Pour l’outre-mer, cinq langues ou familles de langues sont concernées, explique le ministre au député Kamardine : le créole, le tahitien, les langues mélanésiennes (drehu, negone, païci, aïje), le wallisien et le futunien. Comme il le rappelle, la principale difficulté qui se pose à Mayotte est la transcription écrite, stabilisée et normée du shimaoré et du kibouchi, les acteurs doivent se mettre d’accord sur une orthographe unique, l’association Shimé avait d’ailleurs été contactée à cet effet.
D’autres conditions se rajoutent : « La disponibilité de ressources scientifiques, didactiques et pédagogiques et de professeurs formés, l’existence d’un corpus littéraire écrit suffisant et varié. Au regard de ces critères, ajouter le shimaoré et le kibushi à la liste des langues faisant l’objet d’un enseignement de langue et culture régionales paraît pour l’heure prématuré ».
On apprend d’autre part que le cadre légal ne permet pas une telle mesure, « l’article L. 372-1 du code de l’éducation précise en effet que l’article L.312-10 du même code portant sur les langues régionales n’est pas applicable à Mayotte. » Du travail pour les parlementaires donc. En attendant, un autre article est encourageant puisqu’il précise que « dans les académies d’outre-mer, des « approches pédagogiques spécifiques » sont prévues dans l’enseignement de l’expression orale ou écrite et de la lecture. Les membres des équipes éducatives sont encouragés à s’appuyer sur la langue maternelle des élèves et sur les compétences linguistiques acquises par les jeunes enfants dans la maîtrise de cette langue pour favoriser leur apprentissage du français. »
Introduction progressive du français en maternelle
Le ministre Blanquer détaille d’ailleurs les deux dispositifs mis en place à Mayotte pour pallier l’absence d’apprentissage des langues maternelles, et pour que celles-ci fassent « le lien ».
« Plurilinguisme » expérimenté à l’école maternelle depuis 2015 permet la structuration de la langue maternelle des enfants, que ce soit le shimaoré ou le kibushi, et l’introduction progressive de la langue française. Lors des premiers mois de la classe de petite section, le professeur et l’agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) parlent la ou les langues locales et les élèves sont libres de choisir la langue dans laquelle ils s’expriment. À partir de janvier, un enseignant s’exprimant en langue locale enseigne durant la première partie de la journée, puis un enseignant francophone co-intervient avec lui avant de prendre en charge seul la fin de la journée ; l’ATSEM parle en langue (s) locale (s) et peut traduire les propos de l’enfant à l’enseignant francophone. En moyenne section, l’organisation de la seconde partie de l’année de petite section est reprise ; peu à peu, les enfants sont mis en situation de se faire comprendre de l’enseignant sans l’aide de la traduction. Enfin, en grande section, l’organisation est inversée (enseignant francophone en début de journée, co intervention des deux enseignants puis enseignant en langue locale en fin de journée). En outre, afin de donner des repères partagés et de faciliter l’intégration de l’école dans le quotidien, les parents sont encouragés à visiter la classe et à y intervenir.
L’autre dispositif appelé « Éveil aux langues », permet de mettre les élèves de maternelle en contact avec des corpus oraux et écrits dans différentes langues, dont le shimaoré et le kibushi. Le vice-rectorat encourage en parallèle le développement de divers outils pédagogiques : un imagier plurilingue multimédia, construit par des enseignants, est ainsi mis à la disposition des écoles. Enfin, l’accent est mis sur la formation des personnels enseignants pour aider les enseignants locuteurs natifs à utiliser les deux langues vernaculaires.
« Ce recours au shimaoré et au kibushi est alors un moyen, et non une fin, il doit aider les élèves à dépasser d’éventuelles inhibitions et à rester engagés dans les apprentissages », conclut Jean-Michel Blanquer. (Lire Langues régionales QST-AN-15-5415QE)
A.P-L.
Lejournaldemayotte.com
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