Accompagné d’un agent ganté, Nassim Saïd parcourt un à un les compteurs pirates de la voie principale de ce quartier de banga qu’est Mbaraze, sur les hauteurs de Mtsapéré-Kavani : « La ville de Mamoudzou veut mener un peu partout une lutte contre l’habitat indigne, ce qui coïncide avec notre volonté de lutter contre les branchements dangereux, et contre la rétrocession d’électricité, illégale ». Au-dessus de nos têtes, de vraies toiles d’araignées de fils qui se croisent, puis s’élancent à l’infini vers les coteaux voisins.
Sur l’un des compteurs, des traces d’incendie, « et sur cet autre, partent plusieurs lignes qui alimentent différents bangas, dont ceux que l’on aperçoit de l’autre côté de la vallée, arborant des antennes parabolique. Certains peuvent avoir 15 dominos qui mal protégés des intempéries, peuvent causer des courts-circuits », que la tôle va rapidement propager. C’est d’ailleurs ce qu’il explique à une maman venue demander des explications, une petite fille dans ses jupes.
Menaces de mort
Si les habitants du quartier regardaient de loin avant notre arrivée, ils se rapprochent et nous interpellent sur l’opération, « pourquoi EDM ne nous a pas prévenus avant ? C’est pas humain, certains habitent ici depuis 15 ans, et nous avons plein d’aliments dans notre congélateur, on va faire quoi avec ?! » Nassim Saïd s’explique posément face à eux : « Quand nous sommes venus en repérage la semaine dernière, nous avons demandé à voir les propriétaires de ces lignes, personne ne s’est présenté ». Un homme veut nous montrer ses jambes, bandées, « j’ai une drépanocytose », nous explique-t-il en assurant avoir besoin de stocker des médicaments dans son réfrigérateur.
Mais il n’est pas titulaire d’un compteur, « il m’a assuré qu’il avait une carte de séjour, mais sans avoir entrepris de démarches pour obtenir un compteur. Je leur explique qu’ils peuvent aller chez EDM pour demander une mise en conformité de leurs installations, avec passage du Consuel. »
Ce sont 35 compteurs qui seront coupés, pour seulement deux abonnés recensés, « leurs factures bimestrielles oscillent entre 250 et 800 euros. Or, un banga moyen consomme environ 20 euros, il y a donc rétrocession, peut-être même, avec un bénéfice. Dans un autre quartier, le titulaire du compteur qui voulait se mettre aux normes en débranchant toutes les lignes, a reçu des menaces de mort de la part des bangas alentours. »
Sans électricité ni eau courante
Une case reste inaccessible, un cadenas tout neuf est posé sur la porte, « mais il va bien falloir qu’on y accède, car sinon, ils vont tous essayer de se brancher sur la dernière habitation a avoir le courant », explique Nassim Saïd.
Ces opérations anti-rétrocession sont menées en continu, « par les agents lorsqu’ils sont appelés sur une intervention. Ils commencent par avertir lors de branchements dangereux ou illégaux, puis verbalisent au besoin. » A la suite des grosses opérations comme celle-ci, menées chaque mois, les occupants des cases ne partent pas pour autant, malgré des conditions de vie très dégradées, par l’absence d’électricité qui se rajoute à celle de l’eau courante, et donc, d’assainissement. « Il arrive qu’un habitant puisse prétendre au rebranchement, s’il est dans les règles, il est alors prévenu qu’en cas de récidive de rétrocession, nous déposerons plainte. »
Pour que l’opération porte se fruits, il faudrait « une action conjointe avec les services de l’Etat et la mairie », pour détruire ces zones d’habitats très insalubres, ce sera bientôt possible avec la loi ELAN, et proposer des relogements pour ceux qui peuvent y prétendre.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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