« Des décisions consensuelles », c’est ainsi que sont jugés les points de l’accord portant notamment sur la question du visa d’entrée à Mayotte, signé entre le gouvernement comorien et l’ambassade de France en 2011… au moment même où Mayotte disait « oui » à la France pour sa départementalisation.
Ce qui explique sans doute que ce texte public n’ait fait l’objet d’aucune publicité à l’époque. Le problème c’est qu’il a été entériné, rendant applicables les mesures arrêtées par les deux parties. Avant d’en aborder les points, replaçons la signature dans le contexte.
Le 1er mars 2011, une première crise éclate : le gouvernement comorien refuse d’accepter ses ressortissants reconduits à la frontière depuis Mayotte, en invoquant l’impossibilité de vérifier leur identité, et leur passé judiciaire sur le sol mahorais. Le gouvernement français d’alors se plie au dialogue, qui se noue au cours de 3 rencontres, les 24, 26 et 31 mars 2011, et qui aboutiront à cet accord.
Des échanges qui se tiennent en petit comité puisque ne sont présents que le ministre des Relations Extérieures Comorien, Djaffar Mohamed Amhmed Mansoib, et l’ambassadeur de France, Luc Hallade, qui est revenu à Mayotte depuis, notamment pour travailler sur les relations franco-comoriennes, et présent en arrière plan de la feuille de route décriée de septembre 2017… Aucune personnalité Mahoraise n’était donc associée aux échanges.
Des exigences entendues
La partie comorienne va exiger plusieurs points avant d’accepter de nouveaux la reconduite de ses ressortissants. Loin de taper du poing sur la table, la diplomatie française lui accorde crédit, sur le papier en tout cas.
Notamment sur la question du visa d’entrée à Mayotte que le gouvernement comorien veut voir supprimé. La réponse de l’ambassadeur de France va bien au delà de la feuille de route qui avait fait descendre la population dans la rue à Mayotte en septembre 2017. On peut en effet lire que la partie française est « prête à examiner toute mesure d’assouplissement des conditions d’octroi et de délivrance du visa d’entrée à Mayotte », et avec une ouverture même, « dans le cadre de la problématique plus large de la circulation des personnes et des biens sur laquelle de premiers échanges de vue ont eu lieu ».
Des décisions « applicables dès la signature du présent compte rendu », donc, et les signataires ne manquaient pas d’humour, à la date où Mayotte était en liesse, à l’exact lendemain de sa départementalisation !
400.000 euros sans contrepartie
Peu de temps après, le 17 juin 2011, une nouvelle signature franco-comorienne de sortie de crise engageait la France dans une aide budgétaire de 400.000 euros. Sans contrepartie réelle, si l’on en croit le rapport fourni en décembre dernier par la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, (LIEN) si ce n’est celle de ne plus revendiquer l’île de Mayotte. Ce que l’Union des Comores a validé par oral, sans jamais le transcrire dans les faits… pour en faire son principal argument de chantage.
Cet accord pourrait passer comme l’ancêtre de la feuille de route, où l’on accepte la « non séparation des familles » lors des reconduites, et le « non refoulement de personnes malades et d’enfants scolarisés ». Le gouvernement comorien sera également entendu sur sa demande de rénovation du Centre de Rétention Administrative (CRA) invoquant un non respect des « normes exigibles en la matière ». L’ambassadeur explique qu’après la réhabilitation de l’ancien CRA, un nouveau allait sortir de terre. Inauguré depuis, en septembre 2015.
Clash autour des élections présidentielles aux Comores
Un document signé sous l’ère Sarkozy, et qui éclaire sous un nouveau jour les rencontres entre François Hollande et les présidents comoriens, Ikililou Dhoinine en 2014, puis Azali Assoumani en octobre 2016.
Bien qu’elle ait été représentée par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la population Mahoraise, méfiante, a déploré que ses élus soient écartés lors de la signature de la dernière feuille de route en septembre 2017. Pour demander d’y être associée dorénavant. Mais que dire alors d’un document signé par un ministre comorien, sans son vis à vis Français, avec la seule présence d’un ambassadeur ?!
L’accord-cadre actuellement en gestation qui engage l’Union des Comores sur la surveillance de ses côtes, et propose une coopération régionale de grande ampleur et contrôlée pour développer son territoire, est rédigé cette fois en concertation avec les parlementaires Mahorais. Mais un dernier rebondissement viendrait perturber le calendrier : selon nos informations, après l’invalidation de la Cour suprême de Moroni de la candidature de deux opposants de poids* à Azali Assoumani pour la présidence des Comores, la France a suspendu les discussions la semaine dernière.
Anne Perzo-Lafond
Retrouver l’intégralité du compte-rendu des réunions de concertation de mars 2011
*L’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi et le député Ibrahim Mohamed Soulé
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