Il y a ceux qui le critiquent, et ceux qui le pratiquent : personne ne sait trop ce qu’il adviendra du Grand Débat, mais la volonté de réformer s’exprime à travers chaque parole. Ce fut le cas de l’Union départementale des Centre Communaux d’action sociale (CCAS) de Mayotte, présidée par la maire de Sada, Anchya Bamana, et qui organisait un grand débat le 24 février à la MJC de Mangajou, nous rapporte Ali Nizary, président de l’Union Départementale des Associations Familiales (UDAF).
Le premier grand point évoqué relève de l’accès aux droits, « notamment des prestations sociales, mais aussi pour les demandes de logements et l’insertion professionnelle. Les lenteurs administratives, les critères d’éligibilité et les montants dérisoires des prestations font que les personnes abandonnent les recours aux droits. »
Le flux migratoire est une préoccupation récurrente, « cette situation asphyxie l’île avec des flux quotidiens sur les plages de Mayotte ».
Sur les lenteurs administratives, des témoignages éloquents ont été livrés. « Les délais d’attente pour que les dossiers passent en commission sont très très long avant d’apporter la réponse aux usagers. Cela n’est pas juste, ça peut être tellement long que parfois en revenant vers le demandeur, on tombe sur le décès de ce dernier. »
Obligation de départ pour les malades atteints d’Alzheimer
Une autre personne témoignait sur le handicap : « J’ai recueilli l’enfant de ma grande sœur décédée. J’ai déposé un dossier à la Maison départementale des Personnes Handicapées le 14 avril 2017, et en 2019, il n’est toujours pas passé en commission et est en attente. J’ai cherché à connaître la raison de cette lenteur, on m’a répondu que cela est dû au manque de médecin, pour évaluer la situation des demandeurs ‘en situation de handicap’ ». L’allègement des délais au passage de commission, est indispensable.
Plusieurs propositions en découlent : la multiplication des actions d’informations sur les droits et les infrastructures existants sur le territoire, et les procédures à suivre, en passant notamment par le CCAS. « Pour se faire, le renforcement des services est plus que nécessaire. » Il a été souligné la nécessité pour les 17 communes d’aller vers leurs habitants.
Autre point : l’accès aux soins. Avec la présence de la FMAPAR (Fédération majorais des associations des personnes âgées et des retraités), un focus a été fait sur la maladie d’Alzheimer, dont l’association a été créée il y a un an. Face au manque de diagnostic et de suivi, il est constaté que les familles préfèrent aller soigner leurs malades à l’extérieur. Outre le bouleversement que cela crée pour eux, « les personnes sont obligés d’avancer les frais avant de se faire rembourser ». Pour y pallier, il est proposé « de donner aux structures les moyens humains et les compétences nécessaires pour qu’elles puissent agir au mieux auprès des habitants, et sans s’arrêter au seul problème du financement, avoir des médecins qui soient en capacité de faire des diagnostics, mettre en place un accueil de jour pour encadrer les patients aux différents stades de la maladie. »
Âgée et sans toilettes
Aure point, les conditions de logement. « Je n’ai pas eu d’enfant, je suis âgée et mes toilettes sont inaccessibles. J’ai été à la mairie pour demander des solutions pour les réparer, mais on ne m’a pas donné de suite favorable. Je m’étais rendue à la SIM (société immobilière de Mayotte) qui m’a affirmé que les travaux ne sont pas de sa compétence. A l’heure où je vous parle, je dois régulièrement soulever des seaux d’eau pour vider les l’eau de mes toilettes », relève une habitante. Celle-ci déclare par la suite qu’elle est obligée d’appeler le véhicule (d’assainissement) pour venir vider par ses propres moyens et que cela commence à lui couter cher.
Pas de réelle réponse, en raison du constat de « dispositifs existants sur le territoire, mais pas opérationnels faute de moyens financiers », et « d’absence de fonds d’aide à l’accès et aménagement pour le logement des personnes vulnérables. »
Côté retraite, c’est la déprime à Mayotte en raison d’une cotisation faible voire inexistante. « J’ai travaillé et n’ai jamais pensé à ce sujet de retraite. J’ai été me renseigner et j’ai appris que des travailleurs ayant eu une activité dans les années 80 à Mayotte n’allaient pas bénéficier de retraite parce qu’ils n’ont pas cotisés ». Une autre fait état de sa situation d’aidant avec deux personnes à la maison en situation de handicaps et en rupture de prestations sociales depuis 2 ans faute de passage de dossier en commission.
A chaque élu sa charge
« Je souhaiterais que les élus de Mayotte prennent exemple sur les élus de la Réunion. Il faudrait que chacun s’occupe d’une thématique, par exemple les problèmes de logement, de la santé, de la sécurité, du social, de l’éducation, etc., et les remonte au plan national pour avoir des réponses adaptées. » Ce qui devrait théoriquement être le cas…
Les autres points abordés concernent les crèches, avec des listes d’attente du double des capacités, et l’insuffisance d’éducateurs de jeunes enfants. En réponse, « le schéma départemental des services aux familles prévoit 15 crèches et réfléchit sur la formation des agents. »
Pour prendre connaissance de l’ensemble des points abordés lire Compte rendu résumé
En conclusion, un intervenant constatait que les mahorais ont toujours été appelé à se réunir pour discuter, « Plan pauvreté », « assises », « Etats généraux du social », « livre bleu… », censé réparer ce que la Cour des comptes dénonçait en 2016 comme « une réforme mal préparée pour la départementalisation de Mayotte ». Et regrettait que « les mahorais n’ont jamais été réuni pour être informé sur les contributions et moyens financiers de l’Etat suite à ses débats. »
A.P-L.
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