Au tribunal de Mamoudzou ce mercredi, c’était le procès de la “justice privée” selon les mots du procureur Rey qui dénonçait un phénomène “fréquent à Mayotte” et réclamait de la prison ferme pour ne plus “banaliser” ces vendettas. Pour l’avocat Yanis Souhaïli, si ces faits de vengeance, avec ou sans enlèvement sont fréquents, c’est que “les gens ont le sentiment que quand ils font appel à la police, c’est trop lent”, le juriste appelant à un peu de compréhension, faute de pouvoir excuser les actes.
Ces derniers prennent place en juin 2018. Le mouvement social était encore vivace dans les esprits, échauffés par les séismes qui ne faisaient que commencer, et le raz-le-bol envers la délinquance était palpable. L’Aïd célébré ce 15 du mois devait être un répit dans ce contexte morose. Mais des jeunes accueillis dans la maison d’une dame de M’tsapéré pour y partager des gâteaux festifs ont eu l’indélicate idée de filer à l’anglaise avec le sac de l’habitante. Ni une ni deux, le beau fils et un comparse se sont mis en route pour retrouver les auteurs présumés, identifiés par la victime du vol. Ils en retrouvent un seul, un mineur de Mtsapéré. Dans une ruelle, l’adolescent est attrapé par les deux hommes, âgés de la trentaine, et embarqué dans un 4×4 Ford Kuga. Alors que la population tente de barrer la route pour les empêcher d’emmener le garçon, un des kidnappeurs sort une arme de poing et tire deux fois en l’air avant de démarrer en trombe et de quitter le quartier. Les deux détonations conduisent à une opération de la brigade anticriminalité (BAC) qui trouve sur place deux douilles, et appelle des renforts.
Une arme en vente libre
Mais cette histoire qui aurait pu très mal finir trouve son épilogue quelques minutes plus tard de manière inespérée pour les forces de l’ordre. Les kidnappeurs, arrivés à Cavani, ont tout juste pris le temps de molester l’adolescent pour tenter de retrouver le sac à main de la belle-mère, puis en l’absence de résultat, ont appelé eux-mêmes la police avant d’être interpellés calmement. Dans le SUV, les enquêteurs découvrent un simple pistolet à plombs Walther CP99, un modèle à CO2 en vente libre qui ne laisse pas de douilles et ne provoque pas de détonations. Mais qu’importe, l’audience ne permettra pas d’en savoir plus sur ce point, si ce n’est que le tireur, également conducteur du SUV, est pourtant bien poursuivi pour port d’arme de catégorie B (une vraie arme à feu donc), enlèvement, séquestration et violences en réunion. Son complice, qui ne s’est pas présenté à l’audience, ne se voyait reprocher que l’enlèvement et les gifles portées à l’adolescent, lui aussi absent de l’audience.
Le tireur, à la barre, s’excuse. il dit avoir “appris”, a créé son entreprise à Koungou et affirme avoir ce jour-là “décidé sur un coup de tête sans réfléchir aux conséquences”. Un méa-culpa qui lui vaut 9 mois de prison ferme au lieu des 18 requis par le procureur, et 3000€ d’amende, la peine de prison étant aménageable.
Son complice apprendra, dixit le procureur, “qu’une convocation n’est pas une invitation et que les absents ont toujours tort”. Il écope de 12 mois de prison ferme, un mandat d’arrêt est décerné à son encontre, synonyme d’incarcération pure et simple.
Y.D.
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