JDM : Est-ce que le bâtiment va en France ?
Olivier Salleron : Je veux d’abord dire que nous sommes une des plus grosses fédérations professionnelles, puisque avec 50.000 entreprises adhérentes, nous représentons deux tiers du chiffre d’affaires du bâtiment en France, et même proportion en salariés. Evidemment, nous avons souffert du confinement et maintenant de la guerre en Ukraine, avec une hausse de 50% sur les matériaux, qui va jusqu’à 100% sur l’acier et 200% sur certaines espèces de bois. Nous travaillons avec les fournisseurs pour contrer les éventuels effets d’aubaine.
Vous venez pour les 20 ans de la Fédération Mahoraise du BTP, dans un contexte dynamique pour le bâtiment à Mayotte.
Olivier Salleron : C’est pour cela que je reste 48 heures ici alors que je ne passe que 24 heures à La Réunion. Je viens encourager Julian (président de la FMBTP) et son équipe, mais aussi prendre la dimension du potentiel ici, avec des restructurations importantes, notamment sur les voies de circulation, les locaux administratifs, les écoles, et des logements que nous voulons dignes de nos concitoyens. Les architectes ne doivent pas hésiter à faire preuve d’audace et à innover avec des matériaux écologiques.
Mais les bailleurs sociaux se plaignent de prix trop élevés pratiqués par les majors du BTP. Et souhaitent davantage de concurrence…
Olivier Salleron : Oui, mais les entreprises ici n’ont jamais été en surchauffe, avec des carnets de commande pleins qui justifieraient l’arrivée de concurrent. Et pour attirer, il faut pratiquer des délais de paiement acceptables. Or, si certains clients paient à 22-25 jours, des collectivités sont à 180 jours ! Six mois, ce n’est pas viable pour les entreprises, surtout les PME. Du coup, elles vont vers les chantiers qui paient le mieux.
Je pense qu’un des problèmes vient du manque de communication. Le conseil départemental, la CCI, la préfecture, la mairie de Mamoudzou, sont tous en proximité géographique, mais chacun travaille dans son coin. Or, il faut améliorer les délais de montage des dossiers, les délais de réalisation des projets, et les délais de paiement bien sûr. Ma visite permet notamment à tous les décideurs de se rencontrer et de se dire les choses, et une rencontre qui se tenait régulièrement entre chargés d’études, maitres d’œuvre et maitres d’ouvrage, va être relancée.
Autre problématique évoquée à Mayotte, la montée en compétence qui fait parfois défaut sur les grands projets. Y a-t-il des plans de formation en cours ?
Olivier Salleron : Oui, notamment avec la Chambre de Commerce. Des personnes sont très impliquées à la FMBTP dans la formation et l’insertion. Et il faut former dans plusieurs directions pour faire de Mayotte un territoire d’expérimentation, avec des méthode de construction différentes car il faut aller vite. La Brique de Terre comprimée peut entrer dans le cadre de la construction, pas forcément comme le pense le Centre scientifique et technique du bâtiment à Paris. Il faut oser des matériaux innovants.
La soirée se poursuivait sur un mot d’accueil du maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, et sur un état des lieux dressé par Julian Champiat, président de la FMBTP, d’un territoire en développement, « j’espère voir des grues partout ! », lâchait-il en conclusion.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
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