Il n’est pas rare de voir des salariés faire grève pour dénoncer “mépris” ou “manque de considération” de leurs cadres, et se faire entendre avec de puissants hauts-parleurs devant leur direction. Il est plus inhabituel de retrouver ces mêmes mots et pratiques de la part des cadres intermédiaires. Ce mardi, ce sont pourtant bien ces derniers qui manifestaient dès 7h30 devant le CHM.
Soulaimana Chadhuli, cadre de santé, était leur porte parole. “Ce mouvement est initié par rapport à notre collègue cadre du laboratoire qui a été évincée par la Direction sans qu’on soit consultés. Peut être que les revendications des agents étaient fondées mais nous, on n’a pas été consultés. On a donc déposé un préavis pour dénoncer l’éviction de notre collègue. D’autant que les règles de la grève n’ont pas été respectées, les agents assignés n’ont pas été travailler, et on leur a offert sur un plateau la tête de notre collègue. Nous dénonçons ce mépris” grogne le gréviste. Selon lui, au CHM, “les cadres sont malmenés, harcelés, piétinés par les agents. Nous sommes là pour demander au directeur qu’il reconnaisse la valeur de l’encadrement, on est là pour le dialogue social, pas pour casser qui que ce soit, on veut juste une reconnaissance de notre métier qui est, pour nous, mis au placard”.
Un ressentiment amer partagé par sa collègue, Laurence Cousin, cadre de psychiatrie. Elle dénonce le protocole de sortie de conflit du laboratoire, qui écarte la cadre de ce service.
“Culture du conflit”
“Notre collègue cadre a eu des déboires avec son équipe qui s’est mise en grève pour la faire partir. Elle était en grande difficulté. Vendredi on a appris que la direction avait décidé de l’évincer, on s’inquiète pour son état de santé, alors on est là pour la soutenir” insiste-t-elle, rejoignant son collègue sur un mal-être général des cadres. “Au CHM les cadres sont discrédités, on a besoin des syndicats mais ici on se sent peu soutenus par l’équipe de direction. On travaille sous la crainte que demain on travaille avec une équipe à qui on ne plaît pas et qu’on nous renvoie. C’est quelque chose qu’on n’a pas l’habitude de connaître dans la fonction publique hospitalière, ça nous inquiète pour l’avenir. On aimerait voir aussi nos missions revues par la direction, pour savoir quel est notre poids dans l’institution. On manage des équipe : le plus souvent tout va bien et quand ça ne va pas, on fait des rapports, et là on n’a pas de retour.
Jean-Matthieu Defour, directeur du CHM, dit entendre ce mal-être, et s’affiche à la fois rassurant et constructif.
“Il y a eu un mouvement de cadres suite à la situation de leur collègue du laboratoire, mais j’ai l’impression qu’il y a un malaise beaucoup plus profond, la situation des cadres de santé est compliquée à Mayotte. Ils estiment qu’ils sont sous pression et que peut être la direction jusqu’à maintenant ne les a pas considérés comme ils doivent l’être. Je les ai reçus, je les ai rassurés sur l’avenir de leur collègue qui est une excellente cadre, ce qui n’est pas remis en cause” assure le directeur. Selon lui, la cadre visée par la grève au laboratoire “n’est pas évincée, elle était dans une situation qui devenait intenable, elle est en arrêt maladie et bénéficie de la protection fonctionnelle du CHM, on va lui proposer plusieurs postes qui sont vacants et qui sont très intéressants” poursuit le nouveau patron de l’hôpital, qui veut aller plus loin.
“On va aussi travailler sur un mode de fonctionnement qui permette aux cadres de travailler dans de meilleures conditions, c’est ce qu’on appelle des lignes directrices de gestion que les hôpitaux sont censés mettre en place. On prend en compte leurs difficultés, les compétences et on remobilise l’encadrement. C’est un corps intermédiaire qui était un peu délaissé, comme dans pas mal d’hôpitaux, alors on va travailler avec eux sur cette souffrance et voir comment améliorer leurs conditions de travail.”
Plus globalement, Jean-Matthieu Defour rêve d’un dialogue plus serein au sein du CHM. ” Il faut que cet hôpital perde cette culture du conflit et des menaces, on ne peut pas travailler dans ces conditions, on ne peut pas avoir des cadres et des soignants qui viennent la boule au ventre”.
Y.D.
Comments are closed.