Fragilisée comme les autres compagnies régionales ultramarines par l’arrêt de l’aérien lors du 1er confinement 2020, et renflouée à coups de millions du conseil régional de La Réunion via la Sematra son actionnaire à 97%, et de l’Etat, notamment par des prêts, la compagnie Air Austral a du plomb dans l’aile. Endettée à prés de 170 millions d’euros et en déficit de 76 millions d’euros, sa survie est en question.
Pour optimiser les efforts, un rapprochement entre les compagnies aériennes Corsair et Air Austral, est envisagé. Il s’agit d'”une option”, “mais ce n’est pas la seule”, a affirmé mardi le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt interrogé par le député (LR) de La Réunion David Lorion lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Au total, “cela représente 100 millions d’euros d’aide de trésorerie pour traverser cette crise”, souligne le ministre.
Avant d’être affectée par la crise sanitaire, la santé de la compagnie faisait le yoyo en restant quasiment sous perfusion de la Région Réunion. En particulier depuis que Didier Robert en avait pris les rênes en mars 2010, ainsi que la présidence de Sematra, détenue à 73,5% par le conseil Régional. En juillet 2012, celle-ci est sollicitée et augmente son capital dans la compagnie, passant de 46% à 97%.
“Préserver une identité réunionnaise”
Constatant ce renflouement par argent public, une autre compagnie tord le nez… Corsair intente une action en justice jugeant qu’il y a distorsion de concurrence. Le tribunal ne suit pas, il faut dire que 900 emplois auraient pu être menacés. Par contre, le département, actionnaire, et qui n’a pas vocation à l’être (contrairement à Mayotte où il n’existe pas de conseil régional), se désengage au moment d’un nouvel apport au capital en 2016, de nouveau par la Région et la Caisse des dépôts, qui procèdent encore à une augmentation du capital de la Sematra, de 48 millions d’euros (dont 38 millions pour la Région et 10 millions pour la Caisse des dépôts).
Aidé lui aussi avec l’arrivée d’un consortium à son capital en 2020, Pascal De Izaguirre, PDG de Corsair International, doit savourer ce moment puisqu’il a été approché il y a quelques mois pour un joint venture (accord d’entreprise) avec Air Austral sur une continuité de service entre les compagnies sur l’océan Indien, et fait désormais partie des scénarios envisagés pour sauver Air Austral.
Dans ce cadre, “le rapprochement entre Corsair et Air Austral est une option, je dis bien une option, qui aurait le mérite de préserver une identité réunionnaise et l’implantation locale”, a argumenté M. Dussopt, se disant disposé à accompagner Air Austral dans la restructuration de sa dette. Cette opération doit néanmoins s’effectuer “avec les autres actionnaires et dans le cadre des règlements européens”, a-t-il rappelé.
Avec Ewa, le conseil départemental a loupé le coche
Quid de la compagnie Ewa Air, filiale mahoraise à 51% de la réunionnaise Air Austral ? Son ciel ne s’obscurcit pas tant que ça, nous informe son directeur général délégué, Ayub Ingar: “Nous ne dépendons qu’indirectement de la Sematra, puisque les actions sont détenues à 51% par Air Austral et à 49% par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Mayotte et la holding Ylang Invest*. Donc pour l’instant, nous ne sommes pas dans la zone de turbulences, je suis spectateur de ce qui peut se décider.”
De là à imaginer que d’autres actionnaires pourraient être démarché pour racheter ses parts à Air Austral, il y a encore un grand pas, assure-t-il : “Pour l’instant, nous attendons de voir l’orientation des décisions sur l’avenir d’Air Austral. Mais je rappelle que la compagnie est devenue majoritaire malgré elle dans la société Ewa. En effet, au départ les parts devaient être à 75% mahoraises, mais le conseil départemental de Mayotte présidé alors par Daniel Zaïdani n’en a pas voulu, ils ont préféré investir sur le port. Air Austral a donc rajouté des billes.” Si les finances du département à l’époque étaient déficitaires, ce n’était pas problématique, selon lui, “une collectivité ne peut pas prendre des parts directement dans une compagnie. Elle doit passer par une société d’économie mixte, c’était faisable”. Créer une petite sœur à la Sematra… une idée qui reste d’actualité, la conjoncture donnera-t-elle des ailes à l’équipe actuelle du conseil départemental ?
Quant à savoir ce qui sera décidé sur le plan régional, dans un contexte où la dette publique atteint en France 114% du PIB, la solution d’un rapprochement entre Corsair et Air Austral serait sans doute la bienvenue. Une histoire d’îles puisque comme son nom l’indique, la compagnie de Pascal De Izaguirre a été créée par une famille Corse (les Rossi) en 1981.
La priorité, c’est de préserver les emplois, les salariés d’Air Austral ont d’ailleurs manifesté ce dimanche devant la préfecture de La Réunion pour faire part de leur inquiétude.
Anne Perzo-Lafond
* Détenue par Moïse Issoufali
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