C’est aux alentours de 5h30 ce mercredi matin que les gendarmes de Petite-Terre interviennent au niveau des locaux du siège de l’intercommunalité de Petite-Terre, alors que les flammes dévorent les algécos. Un incendie violent, dont l’origine criminelle n’est encore qu’une « hypothèse » selon les militaires.
Néanmoins pour les élus, il n’y a aucun doute. Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudzi-Labattoir et président de l’intercommunalité, émet une piste : « manifestement l’incendie est criminel, parce qu’il y a eu des tentatives de vol, ils ont essayé de forcer les portes, et n’ont pas pu. Peut-être que par la colère, puisqu’ils n’arrivaient pas à entrer dans le bâtiment principal, ils se sont dit on brûle les algécos qui sont facilement inflammables ». Et ce ne serait pas une première sur le territoire : « on avait déjà attaqué la mairie de Dzaoudzi-Labattoir, on avait cassé l’ensemble de notre flotte, on a brulé notre musée, nos archives, et là on brûle un autre symbole, l’intercommunalité, qui est une institution ».
La population, éternelle perdante de ces exactions ?
Au-delà même des locaux incendiés, c’est l’ensemble de Petite-Terre qui fera les frais de l’évènement d’hier, selon le maire : « à l’intérieur de ces algécos on avait du matériel. On ne sait pas s’il a été détruit avec le feu ou si certaines choses ont été volées. Ce qui est certain c’est qu’aujourd’hui, le matériel de mon personnel technique a été brûlé, nous n’avons pas nos clés de véhicules qui ont été brûlées, ce qui fait qu’aujourd’hui la population va souffrir ». Le premier édile fait ainsi référence à l’ensemble des compétences de la communauté de communes, du nettoyage des plages à l’éclairage public qui ne pourront plus être mises en œuvre, faute de clés pour démarrer les véhicules, qu’il s’agisse des nacelles, des camions grues, etc. «Tout mon personnel aujourd’hui est au chômage technique, et c’est au détriment du bien-être de la population, ce qui est dommage et scandaleux ». La semaine dernière déjà, de nombreux véhicules étaient endommagés dans la commune, des bacs de poubelles brûlés, des boutiques saccagées…
« J’attends vraiment avec impatience les annonces du ministre parce qu’aujourd’hui nous aspirons tous à la liberté… Mais on a l’impression que tout le monde vit en prison, ça devient de plus en plus compliqué » reprend Saïd Omar Oili.
Sur les réseaux, les réactions des conseillers départementaux de Dzaoudzi n’ont pas manqué de se faire savoir. « Après plusieurs jours de violence, si l’origine criminelle venait à être établie cela marquerait une gravité supplémentaire dans cette violence du quotidien car s’en prendre à un bâtiment public marque une gravité suprême que je condamne de toutes mes forces » déclare Ali Omar, 3e vice-président, Chargé de l’Administration générale, Transport et Transition écologique. Pour Maymounati Moussa Ahamadi sa binôme, « c’est ici le symbole de la République qui est frappé et bafoué de plein pied».
Dans un communiqué, la députée mahoraise Estelle Youssouffa réagit elle aussi : “Encore une fois à Mayotte, une institution de la République est détruite par un incendie: nous demandons une réponse forte et concrète de l’Etat face à la destruction cette nuit des bureaux de l’Intercommunalité de Petite-Terre. La Petite-Terre et ses habitants qui subissent un déchaînement de violence inouïe depuis plusieurs jours, dans l’indifférence générale”.
Une « justice de proximité » insuffisamment efficace ?
Au mois de février dernier, le parquet de Mamoudzou signait deux conventions avec les maires de Petite-Terre, lesquelles entendaient renforcer la justice de proximité. « L’idée de ces deux conventions, c’est permettre au maire qui est le premier des officiers de police judiciaire, de pouvoir dans un délai extrêmement bref à partir du moment où il y a une constatation qui a été faite notamment par la police municipale, de pouvoir sous le contrôle du procureur de la république, apporter lui-même cette réponse pénale de premier niveau » expliquait alors le procureur Yann Le Bris. Néanmoins, en dépit de ces avancées supposer contribuer à remettre de l’ordre en Petite-Terre, les exactions continuent.
Comme l’explique Saïd Omar Oili, le procédé est insuffisant : « ces rappels à la loi, moi j’ai essayé de le faire. Mais souvent ce sont les parents des délinquants qui viennent et nous menacent, en disant ‘vous voulez mettre nos enfants en prison’… » Si nous voulons vraiment gagner ce combat, il doit être mené par tout le monde, les familles en premier. Moi en tant que maire, je fais ce que je dois faire : j’ai une police municipale qui fait les enquêtes, qui remonte les informations, on a décidé de mettre en place la vidéo surveillance qui sera opérationnelle au mois de septembre. Mais si les familles de ces enfants ne jouent pas le jeu, on a échoué d’avance ».
Néanmoins, alors qu’une partie de ses locaux vient d’être réduite en cendres, le président de l’intercommunalité n’entend pas baisser les bras : « C’est un sentiment, pas d’impuissance mais… On se demande ce qu’il faut faire. On a l’impression que de plus en plus les gens se résignent et acceptent. Moi je ne me résignerai pas, on va continuer à lutter contre ce fléau. Il va falloir aujourd’hui que les familles répondent à tous les dégâts que les enfants causent ».
Mathieu Janvier
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