La justice a condamné des parents qui avaient laissé leurs enfants livrés à eux-mêmes dans un banga de Dzoumogné jusqu’en 2013. Mais la scène s’est reproduite ces derniers jours.
Le récit, à peine croyable, pourrait sortir de la littérature du XIXe siècle. La juge Peyrot qui présente l’affaire en connaît déjà les détails mais elle semble encore incrédule au fur et à mesure qu’elle raconte. C’est l’histoire de 4 enfants âgés de six, neuf, onze et douze ans qui vivaient dans un petit banga insalubre à Dzoumogné. A partir de 2010 et jusqu’à fin 2013, leurs parents les ont laissés là, sans eux, sous l’autorité d’une «grande». La cousine qui veille sur les enfants est alors âgée de 13 ans.
Les parents se sont séparés. Dans cette affaire encore, le père a refusé de s’occuper de ses enfants. Quant à la mère, partie avec un autre homme, elle ne pouvait pas ou ne souhaitait pas les prendre en charge. Alors, la solution avait été cette cousine. Le père et la mère leur amenaient à manger et quelques courses : un sac de riz, un carton de mabawas, un savon… Une fois par mois.
Plus aucun n’adulte ne s’occupe de leur scolarité, de leur sécurité ni même de leur santé. «Des fois, ils n’ont plus assez à manger pour faire un repas par jour», se scandalise la procureure Prampart.
Le signalement du service social du collège de Dzoumogné émeut beaucoup de monde. L’aide sociale à l’enfance se mobilise et place ces enfants dans des familles d’accueil. Ils obtiennent un droit de visite pendant les vacances scolaires jusqu’au jour où la mère ne les ramène pas et les garde sous son toit. Depuis, les mesures de placements sont officiellement levées.
La procédure judiciaire est lancée pour «soustraction à obligation légale». Ils se sont présentés une première fois au tribunal mais ils ne sont pas revenus pour le procès ce mercredi.
«Et aujourd’hui ? Ou sont les enfants ? Que deviennent-ils ?» demande la présidente.
«Tama a beaucoup de difficultés avec un enfant déficient intellectuel qui commettait des faits répréhensibles», indique Me Préaubert, l’avocate de l’association, partie civile pour les enfants. En effet, rien ne semble empêcher cette affaire de tomber toujours plus bas. Les deux ainés, deux garçons, posent de sérieux problèmes, les conséquences de cette vie de carences affectives et éducatives. On parle d’absentéisme, d’agression, de fugue et même de suspicion de viol sur une petite voisine de 3 ans.
On craint aussi pour la sécurité des deux petites sœurs.
Les enfants à nouveau seuls
Mais les représentantes de Tama venues pour éclairer le tribunal semblent bien en peine d’apporter une connaissance précise du quotidien des enfants. Alors que leur dernier rapport indique que le nouveau compagnon de la mère subvient aux besoins de la famille, on apprend qu’il est déjà parti pour une autre vie. Le juge Laurent Sabatier invite d’ailleurs les jeunes travailleurs sociaux de Tama à faire preuve d’une plus grande prudence dans les conclusions de leurs rapports et à ne pas hésiter à employer le conditionnel.
Le tribunal reste donc sur un doute avant d’apprendre que finalement les enfants sont à nouveaux seuls. A nouveau livrés à eux-mêmes. A nouveau sous l’autorité de la cousine qui n’a toujours pas 18 ans.
Le juge des enfants n’a pas été saisi. Le tribunal correctionnel lui transmettra cette note d’audience pour qu’il se penche sur la situation.
Que faire de ces misérables?
La mère est hospitalisée depuis la semaine dernière. Elle a accouché de son septième enfant ce lundi. Le père a déménagé et ne donne plus de signe de vie… Une situation qui laisse la procureur Prampart «stupéfaite, abasourdie, démunie». Pourtant, elle ne dispose que de peu de moyens pour sanctionner et faire changer les choses.
Placer les enfants dans des familles d’accueil ? La première expérience n’a pas toujours été concluante. Quant à la prison, même si elle risque deux ans, il semble compliquer d’enfermer une femme qui «élève» sept enfants dans son banga.
Finalement le tribunal a tranché. 15 mois de prison avec sursis pour la mère. 12 mois avec sursis pour le père. Un euro symbolique à verser à Tama qui ne réclamait rien de plus à ces gens «indigents».
Pas sûr que cette peine suffise à leur faire comprendre que la misère ne rend pas toujours les gens misérables.
Rémi Rozié
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.