Il y aurait des malversations à la Société Publique Locale 976, émanation du département. C’est du moins ce que fait savoir la conseillère de Dembéni Bouchara Payet. Les projets ne sortent pas de terre, mais il y aurait des raisons, si l’on en croit les différents protagonistes. Alors qu’en toile de fond, se dessinent un transfert du front de mer et l’évocation d’une reconfiguration de la majorité au conseil départemental.
L’avenir promet d’être tendu à la SPL 976. Bichara Bouhari Payet, conseillère de Dembéni, qui en a pris la présidence dans le cadre de la nouvelle majorité départementale issue des urnes, vient d’en soulever des irrégularités auprès du procureur, qu’elle a immédiatement médiatisées.
La SPL 976 est la solution imaginée en 2012 par Daniel Zaïdani, alors président du Conseil général, pour mettre en place ses projets immobiliers dont il rêvait en postulant à la présidence de la SIM (Société Immobilière de Mayotte)… qu’il n’a pas eue. Il présidera donc la SPL 976.
C’était bien vu puisque la Société Publique Locale, dont le capital de 230.000 euros * est détenu par les collectivités territoriales membres**, permet de recourir à une société commerciale sans publicité ni mise en concurrence préalables. Il faut alors prouver que le destinataire du contrat, dans ce cas la SPL, est le prolongement administratif du conseil départemental, mécanisme appelé « in house ».
Un milliard d’euros de projet sur 10 ans
Lorsqu’elle avait été présentée à la presse en juin 2012, il s’agissait avant tout pour la SPL 976 de proposer des logements intermédiaires et de « dynamiser l’économie de l’île ». Des projets longtemps mis en stand by jusqu’à ce qu’un nouveau conseil d’administration soit élu en juillet 2014, à la suite des municipales, décidant d’indemnités accordées, notamment au président.
Sept rapports sont alors votés par le département, de nombreux autres suivront à la fin de l’année 2014 et début 2015, juste avant les départementales donc, prés d’un milliard d’euros est engagé sur 10 ans.
Les salaires du directeur, 8.600 euros et l’indemnité du président, 4.000 euros par mois qu’il avait demandé sans succès à être porté à 99.000 euros par an un mois avant les élections départementales, sont donc connus, et les intéressés ne s’en sont jamais cachés. Et parlent de manipulations politiques à propos du cirque médiatique.
Transfert du front de mer le 8 août
Il n’en demeure pas moins que la SPL 976 n’a toujours rien fait sortir de terre. « Il faut d’abord commencer par porter de petits projets avant de voir très grand comme l’aménagement du port de plaisance de Mamoudzou ou une cité administrative », conseille un cadre administratif du conseil départemental qui souhaite rester anonyme.
Une administration qui est de son côté mise en cause par les membres de la SPL, qui l’accusent de bloquer les délibérations. Elle se défend en arguant que dans l’une d’entre elle, la SPL voulait récupérer la gestion de la billetterie du Service Maritime des Transports, doutant de ses bonnes intentions…
Mais les autres conventions non plus ne sont jamais sorties, et les salariés de la SPL s’impatientent et dénoncent un blocage approprié à quelques jours du transfert prévu du Front de mer et les installations qui vont avec, à la SPL : « nos bailleurs chinois sont toujours prêts à investir 123 millions d’euros, dont une première tranche de 80 millions d’euros, dans le front de mer qui doit nous revenir le 8 août, mais sous condition d’obtenir la délibération qui nous l’octroie. Or, nous l’attendons toujours. »
Zaïdani, le retour ?
Quant à la Cité administrative, si une délibération a été annulée, ce serait en raison d’une méconnaissance de la logique du bâtiment qui doit concentrer les services dans un même lieu, « or la DGA Aménagement se retrouvait isolée à Kawéni », critique l’administration. Du côté de la SPL, on dénonce toujours des blocages : « les appels à candidature des architectes sont en cours d’examen et les banques sont prêtes à financer les travaux de la Cité, un bâtiment de trois blocs, pour la fin de la prochaine saison des pluies. Mais là encore, nous n’avons pas le bail emphytéotique ».
L’absence de réalisation porte à utiliser le million et demi de subventions alloué à la SPL uniquement en frais fixes pour l’instant, ce qui fait tiquer l’administration du CD, qui s’étouffe tout à fait quand elle découvre qu’en cas de licenciement, le directeur toucherait 5 années de salaires. Un montant qui avait été justifié par le risque à la fois d’être remercié en cas de changement de majorité du département, et pour garantir le même interlocuteur pour les investisseurs étrangers alors que des milliards d’euros sont négociés.
Ça ne tourne donc plus rond entre le Conseil départemental, accusé de bloquer, et la SPL, sommée de sortir des projets mais sans convention. Les acteurs eux-mêmes semblent pris dans un tourbillon politique, et l’un d’entre eux met en garde contre la manipulation « médiatico-politique » : « la médiatisation de la conseillère avait pour objectif d’anéantir Daniel Zaïdani au moment où il comptait rejoindre la majorité », nous confie même une source au département.
De la politique politicienne qui déjà fait une victime, Mayotte dont les projets ne sortent pas.
A la suite du courrier de la conseillère de Dembéni, le procureur va ouvrir une enquête pour contrôler d’éventuels détournements de fonds publics.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Susceptible de passer à 280.00 euros en cas d’adhésion de Mamoudzou
** En étaient membre en 2012 le Conseil général, et les communes de Chirongui, Chiconi, Bouéni, Mtsangamouji et Dzaoudzi-Labattoir. Cette dernière en est sortie, sans savoir encore récupéré son apport de 10.000 euros
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