Le verdict de la Chambre régionale des Comptes sur les évacuations sanitaires (Evasan) vers La Réunion avait été sévère : il pointait à la fois un manque de coordination et des pertes financières pour le CHU réunionnais. Tous les acteurs ont leur part de responsabilité. Ce qui fut débattu ce lundi en Comité de pilotage Réunion-Mayotte, avec des ébauches de solutions.
Il faut bien l’avouer, les problèmes rencontrés par les patients qui partaient en évacuation sanitaires (« évasanés ») vers La Réunion n’étaient pas la priorité de notre département. 90% de ces partants le sont vers le CHU de La Réunion, les 10% restant sont les cas les plus graves orientés vers la métropole. Et en 2014, 400 sur 624 étaient affiliés à la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM).
Se posent alors plusieurs problèmes. L’hébergement tout d’abord lorsque se terminent les soins hospitaliers et que les patients partent en ambulatoire. Difficile de survivre sans moyens financiers, ni famille sur place. Ces malades engorgent alors les lits du CHU à La Réunion, qui ne peuvent être disponibles pour des nouveaux entrants. Un coût de 1.700 euros par journée d’hospitalisation, pointé par la Chambre des comptes.
C’est le tissu associatif de La Réunion qui est sollicité, dont la Maison des parents « qu’il faut perfectionner », soulignait Issa Abdou, vice-président du conseil départemental de Mayotte, chargé du social et de la santé. Un appel d’offre devrait être lancé sur le plan national en matière d’hébergement, auquel pourrait répondre le CHU, ainsi que la mise en place de familles d’accueil thérapeutiques.
Défauts de remboursements
Les maître-mots de ce Comité de pilotage sont coordination et anticipation. Le premier vise les services sociaux des deux départements, des deux Caisses de sécurité sociale et des Hôpitaux, « une relation améliorée débouchera sur une meilleure prise en charge du patient », résume Jean Véron , directeur de la CSSM. A ce sujet, la Caisse mahoraise met à disposition du CHU deux agents pour le suivi administratif du patient évasané. L’anticipation est plus compliquée, « puisque nous prenons cette décision dans l’urgence ». Mais un balisage du parcours devrait aider.
L’autre problème a trait à la continuité des droits : si les « étrangers », sont pris en charge par l’Aide médicale d’Etat à La Réunion, les mahorais sont sous le régime de la CSSM. Or de gros retards de remboursement de la Caisse mahoraise n’incitaient pas ambulanciers et autres opérateurs médicaux à prendre en charge nos malades : « nous avons mis deux ans pour régulariser », convient Jean Véron, dont la directrice adjointe confiait que la confiance avait eu du mal à revenir.
Absence de continuité territoriale
Sans parler des hospitalisations longue durée : 6 mois après son hospitalisation, le patients est pris en charge par la sécurité sociale du territoire où il réside, avec toutes les lenteurs administratives liées.
Le troisième problème relève des transports : une civière prend la place de 9 passagers, pas facile à négocier avec la seule compagnie aérienne qui assure la liaison. « Nous sommes victimes du monopole d’Air Austral », dénonçaient d’une même voix tous les acteurs, « avec des vacances scolaires qui s’étalent entre les deux îles, il y a au moins 6 mois d’engorgement, avec une priorité malgré tout aux urgences », constatait Nicole Cogghe, cadre supérieur de santé au CHM.
Le problème vient de l’absence de continuité territoriale à Mayotte, qui prive l’île du suivi de service public, « seule cette disposition obligerait la compagnie à libérer des places ». L’idée d’une mise en concurrence a été évoquée, mais entre quelles compagnies ?….
Des solutions ont donc été apportées à l’ensemble des points soulevés. La prise en charge de ces patients ne sera améliorée qu’avec une coordination continue entre les deux départements et les deux caisses. Ce comité de pilotage a permis de mettre en place deux actions, que dévoile Moissoukari Madi, Responsable du service social à la CSSM : « toute personne qui part en évasan fait l’objet d’une évaluation et un projet de guide est en cours pour les aider à préparer leur départ ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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