Les trois histoires tragiques de l’année à Mayotte posent la présence des outils agricoles dans un environnement urbain où ils peuvent devenir des armes en puissance.
Mayotte n’avait pas connu de meurtres depuis fort longtemps et en voici trois commis la même année. La situation est inédite dans notre département. Certes, la monté des violences est une évidence incontestable, avec parfois des passages à l’acte qui peuvent relever d’un déchaînement sans limite. Mais elle ne se traduit heureusement pas par une évolution tout aussi spectaculaire des assassinats.
Car malgré ces trois meurtres, on ne peut parler de véritable phénomène. Au mois de mars, à Combani, c’est un différend familial qui s’est terminé dans le sang. Un homme surgit dans le banga de la famille de sa femme, tue sa belle-mère et blesse son épouse. L’histoire est tragique mais ne permet pas tirer de conséquences sur d’éventuels changements de comportements au sein des familles.
C’est également une histoire familiale dramatique qui s’est déroulée à Koungou en septembre lorsqu’un homme a tué sa mère et blessé sa sœur. Mais là encore, impossible d’aller chercher une analyse au-delà d’une histoire personnelle. Enfin, la semaine dernière à Mtsangamouji, il s’agirait d’un règlement de compte entre jeunes.
Finalement, dans ces trois histoires, on ne retrouve que peu de points communs si ce n’est l’arme du crime: un coupe-coupe.
Distinguer les usages
Depuis le décret du 30 juillet 2013, le procureur de la République, Joël Garrigue, explique au JDM que «les armes sont classées en 4 catégories. La catégorie A concerne les armes de guerre et les armes à feu, la catégorie B les armes à poing, la catégorie C les armes d’épaule et la catégorie D les matraques ou les poignards». C’est donc dans cette dernière catégorie que se rangent les chombos et les upangas, et comme toutes les armes, leur port est interdit… Mais pas leur transport. C’est toute l’ambiguïté de tels objets qui sont aussi des outils agricoles.
«Localement, la politique pénale que nous mettons en œuvre vise à distinguer l’usage qui en est fait. Quelqu’un qui a un chombo dans sa voiture parce qu’il se rend à la campagne ne sera pas inquiété car il s’agit d’un transport pour un usage prévu. En revanche, quelqu’un qui se promène dans une ville avec un chombo et qui est susceptible d’en faire un usage détourné, tombe sous le coup du décret de juillet 2013», précise le procureur de la République.
Les pierres sont également des armes
Dans cette logique, l’achat de chombo n’est pas limité comme, par exemple, n’est pas encadré l’achat de machettes aux Antilles, autres territoires concernés par des violences avec de tels objets. «En revanche, on peut les confisquer et prononcer des sanctions pénales lorsque des personnes se promènent avec, alors qu’elles ne devraient pas le faire», souligne Joël Garrigue.
Il est impossible de connaître les chiffres précis des faits de violences avec des chombos mais le sentiment largement partagé par les observateurs est qu’ils ne connaîtraient pas d’augmentation significative. S’il est difficile de les repérer en tant que tels, c’est qu’ils font partie de la catégorie «violence avec arme»… et il y en a une autre, encore plus répandue que les chombos à Mayotte : les cailloux de toutes tailles. Mais dans ce cas, aucune réglementation ne peut être envisagée.
RR
Le Journal de Mayotte
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