Nazir, les caricatures, c’est son truc. Et, à Mayotte, il a définitivement de quoi se mettre sous le crayon. Portrait d’un dessinateur au croquis leste et au verbe joueur, parfois mordant.
“Le dessin en lui-même ne m’intéresse pas beaucoup. Et je suis bloqué par la couleur.” Aveu courageux de la part d’un dessinateur. “Ce qui m’intéresse, c’est de faire passer un message.” C’est ainsi que, tout naturellement, Nazir se tourne vers la caricature, qu’il exécute avec une simplicité déroutante. Une idée et hop, il se saisit d’une feuille qui traîne et croque avec amour mais clairvoyance un petit bout de son île.
Ecologie, coutumes, politique, les Wazungus fonctionnaires mais aussi les Mahorais qui font semblant d’être pieux, personne n’y échappe.
“Le dessin explique tout.” Nazir, commercial de profession, né d’un père mahorais et d’une mère malgache, déplore le manque de caricaturistes sur une île où il y a tant à dire et où le dessin peut être un vecteur de communication plus lisible que les mots.
Pourtant, il n’a jamais suivi de cours de dessin. Mais, prolixe, il a tout essayé : la gouache, la bombe, le pochoir, le marqueur, les portraits (de Nelson Mandela à Sylvester Stallone en passant par Johnny Hallyday), le paysage, la bande dessinée… Rien à faire, Nazir Luckmandji est un adepte de la caricature, une inclinaison qui lui vient certainement de son inquiétude face à l’évolution de Mayotte. “Je ne suis pas trop pour le département, on n’était pas encore prêts. On était mieux avec la collectivité.
Quand j’étais à l’école, notre vie, c’était les bangas, les champs… Je ne reconnais plus la jeunesse de Mayotte. Les jeunes n’ont plus le respect qu’on avait à l’époque, notamment pour nos parents. Je pense que c’est le début de l’explosion. J’ai peur qu’on en arrive aux armes. Mais il ne faut pas être pessimiste”, conclut-il, exorcisant ses peurs d’un coup de crayon agile…
Ornella Lamberti
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