A l’heure où Mayotte traverse une crise sans précédent en matière de santé publique, à La Réunion, certains professionnels sont bien décidés à se battre pour continuer à conserver le contrôle des (très importantes) structures médicales qu’ils ont obtenus au fil du temps.
Ainsi une intersyndicale, regroupant le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et deux autres organisations, (l’IDEEP et le SPEP), est vent debout contre le projet de loi santé de Marisol Touraine.
Cette intersyndicale appelle à une grève le 27 juin. Le mot d’ordre est national et sera relayé à La Réunion avec un débrayage d’une heure.
La loi santé prévoit de revoir complètement le fonctionnement de l’offre de soins, ce qui ne convient pas du tout aux psychiatres. Le texte va en effet créer des groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui visent à renforcer la coopération entre les établissements publics de santé d’une zone donnée.
Ainsi, un GHT devrait être créé à l’échelle de l’océan Indien et pour l’intersyndicale, c’est «un point insupportable».
Une perte d’autonomie
«Avec ce regroupement, on va passer de 1.100 hôpitaux à 100 en France», déplore Patrick Tron, le représentant du syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) à La Réunion, dans le colonnes du JIR. Selon lui, dans notre région, «ce GHT, créé d’ici juillet, prévoit de mettre tous les établissements, alors qu’ils sont autonomes, sous la tutelle du CHU à La Réunion. Celui-ci va s’occuper du budget, de la comptabilité, de l’orientation», s’alarme Patrick Tron.
Le syndicat voit dans ce GHT une perte d’autonomie qu’il refuse d’envisager et même le risque d’une disparition des structures en charge de la santé mentale.
L’«absurde» de la situation
A La Réunion, l’EPSM-R (Établissement public de santé mentale) compte 70 professionnels dont 40 syndiqués, et gère plusieurs établissements (Grand Pourpier, celui de l’Est, de Gabriel Martin, et du CHD Félix Guyon). Et avec ce GHT, La Réunion devrait désormais apprendre à fonctionner avec Mayotte. Et l’idée même de ce rapprochement semble être la goutte de trop. Elle est qualifiée d’«absurde» par le syndicat.
«La distance entre les deux îles est de 1.400 km. Il y a le risque que Mayotte aspire le budget», souligne un communiqué de leur organisation… Un comble quand on connaît les choix stratégiques opérés par l’ARS dans l’océan Indien qui ont eu pour conséquence, précisément, de permettre à La Réunion «d’aspirer» la quasi-totalité de budgets et des investissements effectués de ce secteur!
Déséquilibre gigantesque
Car le syndicat omet tout de même de signaler que c’est bien chez eux que l’on trouve 470 lits de psychiatrie soit 98,5% des lits de ce secteur de nos deux îles. Même si le CHM et l’ARS ont des projets dans leurs cartons pour notre département, à l’heure actuelle Mayotte doit se contenter de… 7 lits !
Ce déséquilibre gigantesque pourrait donc être compensé par un fonctionnement plus solidaire des établissements de santé, le temps que Mayotte se dote de structures psychiatriques dignes de ce nom.
Mais le syndicat retient surtout, un risque de «mutations forcées de médecins et un budget de psychiatrie devenant une variable d’ajustement». Il parle même de «spécialistes les plus compétents mis sous tutelle de ceux qui le sont moins», selon Patrick Tron.
Une dérogation à la solidarité
Conséquence, ces professionnels réclament une dérogation pour ne pas intégrer ce nouveau fonctionnement. «Une dérogation pour ne pas participer au GHT, Paris l’a obtenue auprès du ministère», commente Georges Onde de l’intersyndicale.
Le principe de la grève pour le 27 juin a donc été retenue. A Mayotte, une chose est sûre: compte tenu de la taille du service, une éventuelle participation des professionnels ne devrait pas beaucoup perturber le fonctionnement du CHM.
RR
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