Ils étaient attendus comme un signe d’espoir. Ils sont désormais vus comme une source d’inquiétude. Les inspecteurs de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sont arrivés en début de semaine pour mener un «audit flash» sur les comptes du CHU (centre hospitalier universitaire) de La Réunion. Il s’agit d’une visite expresse puisque celle-ci prend fin ce vendredi soir. Leur rapport sera transmis au CHU dans le courant du mois de septembre.
Officiellement, leur venue se déroule dans le cadre du Copermo, le Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soin. Autrement dit, ils sont censés donner une feuille de route à Lionel Calenge, le nouveau directeur du CHU, nommé après un intense lobbying politique auprès du gouvernement. Si la présence des inspecteurs de l’IGAS inquiète, c’est que la situation financière du CHU s’est brusquement dégradée.
Les comptes non certifiés
Après vérification de ses comptes, le CHU affiche un déficit de 20 millions d’euros et non de 12 millions d’euros comme annoncé en début d’année. La Chambre régionale des comptes (CRC) et la Direction régionale des finances publique (DRFIP) ont en effet estimé que les 8 millions d’euros de créances initialement inscrits en «recettes» devaient être comptabilisés comme une dépense. «Ce sont des créances irrécouvrables!» peste un proche de la direction. La CRC et la DRFIP ont d’ailleurs refusé de certifié les comptes et estimé que certaines écritures étaient insincères.
Et Mayotte contribue à cette situation car la chambre régionale des comptes note que l’impact de son l’appui régional à la couverture sanitaire de Mayotte ne cesse de s’accroître. Ainsi, La Réunion se retrouve à supporter en 2015 près de 2 millions d’euros de créances non couvertes au titre de l’aide médicale d’État. L’AME n’est en effet pas en vigueur à Mayotte. Et lorsque des patients non-assurés sont transférés, le CHU se retrouve confronté aux problématiques… du CHM.
Le poids de Mayotte
Il faut également ajouter l’impact budgétaire des évacuations sanitaires, probablement 1.000 cette année, même si ce coût reste difficilement quantifiable. Enfin, un nouveau mode de calcul de la prise en charge des assurés sociaux mahorais plombe également un peu plus les comptes réunionnais.
Désormais, les hôpitaux de La Réunion appliquent aux Mahorais une «tarification journalière en groupe homogène de séjour» (GHS). Ces tarifs forfaitaires servent de base au remboursement de l’hôpital par l’assurance maladie et les mutuelles. Ils engendrent plusieurs millions d’euros de pertes de recettes supplémentaires.
La rencontre, hier, des inspecteurs de l’Igas avec les syndicats des personnels n’a rien fait pour atténuer les rumeurs de plan social. «Ils parlent ouvertement d’un plan de retour à l’équilibre. Et pour y arriver, ils ne vont pas recommander de baisser les charges médicales. On ne peut quand même pas arrêter de soigner les patients ! Donc, ils vont partir sur des suppressions de postes», prédit un syndicaliste.
Courrier anonyme
En 2007, l’IGAS s’étaient déjà préoccupée de la santé financière de l’hôpital de Saint-Pierre. Une cinquantaine de postes avaient été supprimés suite à ses recommandations. Neuf ans plus tard, une situation similaire se présente, mais cette fois au niveau départemental.
Les deux hôpitaux de Saint-Pierre et de Saint-Denis ont eu «un niveau de recrutement supérieur à la moyenne nationale», ont signifié aux syndicats les inspecteurs de l’IGAS. De quoi nourrir un peu plus les inquiétudes de plan social. En coulisse, des chiffres sur son importance commencent même à circuler.
Un courrier anonyme a même été adressé à la presse réunionnaise et à l’Agence régionale de santé (ARS) pour dénoncer le bilan de l’ancien directeur et de son successeur Lionel Calenge.
Gestion et embauches mises en cause
David Gruson, parti diriger la Fédération hospitalière de France, voit en effet son action lourdement mis en cause par «un groupe d’hospitaliers responsables». Sans s’attarder sur les promotions canapés et un système de courtisans que le courrier dénonce avec force, il y est aussi question de la souffrance du personnel: harcèlement moral, burn-out, management irrespectueux… Et ce courrier de s’interroger sur les embauches importantes mais «pas dans la bonne catégorie» alors qu’il n’est plus rare que le personnel soignant soit rappelé de ses congés ou contraint à des horaires supplémentaires.
L’Igas devrait certainement apporter son éclairage. Aux yeux des syndicats, ça ne fait plus aucun doute: «Une période difficile s’annonce» et les conséquences pourraient se faire ressentir jusqu’à Mayotte. Le CHM est en effet désormais lié avec le CHU dans un groupement hospitalier de territoire (GHT) et Mayotte a placé beaucoup d’espoirs dans les coopérations et les échanges accrus avec La Réunion.
RR, le JDM
avec le JIR.
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