«Je n’acceptais pas que les conditions d’études ici ou à Mayotte, ne soient pas dignes de l’école de la République. Je n’acceptais pas qu’il soit ici, plus qu’ailleurs, plus difficile de se soigner. Je n’acceptais pas que des familles entières soient confrontées à la difficulté de se loger et plus globalement, au coût de la vie. Alors je me suis engagée», raconte-t-elle.
Dans le texte qu’elle a défendu, on trouve donc logiquement des dispositions pour l’école parmi lesquelles une augmentation de la période de scolarisation obligatoire. Jusqu’à présent fixée de 6 à 16 ans dans les Outre-mer comme dans l’hexagone, elle devrait s’étendre de 3 à 18 ans. La disposition pourrait donc placer les Outre-mer en avance sur la métropole, la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem s’étant déclarée favorable à la mesure pour la métropole… pour le prochain quinquennat.
En métropole, les syndicats sont favorables à l’idée, qui vise à maintenir dans le circuit scolaire les trop nombreux décrocheurs. La scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans est même une revendication historique du Snes. Mais chez nous, il s’agirait d’un nouveau défi pour le système scolaire… aux deux bouts de la scolarisation.
6.534 enfants entrent au CP sans préscolarisation
Du côté des petits, l’école maternelle poursuit en effet sa montée en puissance. Il faut rappeler qu’elle n’a été mise en place à Mayotte qu’en 1993, il y donc à peine 23 ans. En 2015, 17.052 enfants y étaient scolarisés, près de 500 de plus que l’année précédente. Pour autant, nous sommes encore loin d’une scolarisation généralisée avant 6 ans.
Ainsi, le taux de scolarisation des enfants de 3 ans n’est que de 65% à Mayotte (4.356 élèves). Il est de 98,5% en métropole et près de 100% à La Réunion. Dans notre département, ce sont donc plus de 2.400 enfants de 3 ans qui ne sont pas scolarisés.
Ce taux de scolarisation remonte ensuite fortement à environ 94% pour les enfants de 4 et 5 ans… Mais cela signifie que ce sont encore environ 500 enfants de 4 ans et autant âgés de 5 ans qui sont en dehors du système scolaire.
A l’entrée au CP, le vice-rectorat annonçait pour 2015 le nombre de 6.534 enfants qui arrivaient à l’école sans préscolarisation.
Des classes, des écoles et des enseignants
Sans même parler des problèmes de recrutement liés à cette «mise à niveau», le problème du nombre de classes et d’écoles continuerait à se poser. Sachant qu’en 2015 le vice-rectorat annonce une moyenne de 293 élèves par école dans le 1er degré, il faudrait construire près de 22 nouvelles écoles maternelles pour parvenir, sans rotation, à absorber ces 6.534 enfants.
Autant dire que le doublement de l’enveloppe pour les constructions scolaires annoncé par Ericka Bareigts il y a une semaine paraît insuffisante. Cette somme qui passerait ainsi à 20 millions, de quoi «soulager notre gestion des écoles», soulignait Saïd Omar Oili, le président de l’association des maires de Mayotte… Qui s’empressait de préciser que c’était «encore insuffisant». Il estimait déjà les besoins d’investissement à 200 millions, jusqu’en 2020, autrement dit un besoin annuel de 40 à 50 millions.
Logiquement, Rivo du SNUipp embrayait, parlant d’«une goutte d’eau là où il faudrait un Plan Marshall.»
Selon les chiffres du vice-rectorat, à la rentrée 2016, 60 écoles sont encore (ou déjà) en rotation dans notre département. En 2015, cela concernait 379 classes soit un taux de rotation de 19,6%.
Décrochage après 14 ans
Mais cette extension de l’âge obligatoire de la scolarisation provoquerait aussi un embouteillage à l’autre bout du système scolaire. Car le décrochage scolaire après 14 ans est très clairement visible dans la pyramide des âges des enfants scolarisés à Mayotte. Les élèves âgés de 17 ans sont deux fois moins nombreux que ceux âgés de 11 ans.
Là encore, le développement des filières, des formations et des places, déjà réel, serait contraint de connaître une véritable accélération pour coller à l’objectif… sachant que les élèves qui ratent leur examen n’ont déjà souvent plus de place pour recommencer une année sur les bacs d’une terminale ou d’un CAP. L’éducation à Mayotte devrait donc rester encore pour longtemps un vaste chantier.
RR
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