« Nous avons trouvé en Luc Barsky un avocat de la cause de Mayotte ! », nous assurait Guillaume Jaouen, l’organisateur du Colloque avec son cabinet M’zé Conseil. Le Chef de Pôle Logement, foncier et Aménagement au ministère des Outre-mer, est en effet convaincu qu’il existe des outils pour dompter le foncier et lancer un programme d’aménagement de l’île.
A l’heure du bilan, celui du Colloque n’est pas mauvais, « les élus craignent qu’il ne soit pas suivi d’effets comme les autres, mais nous allons travailler pour que des pistes concrètes émergent. Il faudrait d’ailleurs lister les propositions et en donner les échéances », suggère Luc Barsky.
La première d’entre elles est sans aucun doute le report d’application du Plan de prévention des risques naturels, sous certaines conditions. Un PPRN qui ne dira rien au commun des mortels, mais aux maires, si ! « Il crée des contraintes et des blocages. Nous pouvons en repousser l’application de 6 mois pour les 10 communes de Mayotte actuellement concernées, afin d’effectuer des études complémentaires. Et pour les 7 communes où le Plan n’est pas encore engagé, demander aux maires de définir les zones d’aléas forts et faibles, et nous les soumettre », précise Daniel Courtin, directeur de la DEAL Mayotte (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).
Les maires doivent identifier les blocages
Pour libérer le foncier et l’aménager, une Commission d’urgence foncière, calquée sur la CREC (Révision de l’Etat civil) est en réflexion, comme l’avaient proposé les sénateurs : « Il faut lui allouer un rôle précis, et décider si sa création nécessite une mesure législative ou pas », indique Luc Barsky. De leur côté, les maires doivent identifier au niveau des intercommunalités, le foncier mobilisable de celui où perdurent des blocages, « parcelle après parcelle. » Le Fonds FRAFU, récemment créé, va permettre de débloquer les fonds dédiés à l’aménagement.
Une réflexion est en cours sur les incitations fiscales et financières pour régulariser en passant du « titre oral » au « titre écrit », c’est à dire du droit coutumier au droit commun.
Les propositions de la mission sénatoriale sur le foncier étaient évidemment au centre des échanges, mais leur côté novateur se heurte aux lourdeurs administratives que les participants ont précisément l’intention d’adapter. C’est dans ce domaine que la sérénité est demandée par Daniel Courtin : « L’idée de la cession à titre gratuit dans les Zones des 50 pas géométriques n’est envisageable que sous condition d’une parcelle placée en zone de risques faibles. A ce moment là, on pourrait pratiquer une décote, jusqu’à 100%, mais sous condition d’accord de l’administration centrale. » Beaucoup de « si », mais la propositions est au moins débattue.
La population au centre de l’aménagement
Outre la réglementation qui est le sujet central, les participants ont évoqué le Schéma d’Aménagement Régional, le fameux SAR qui supplante tous les autres, « il ne doit justement pas contraindre la mise en œuvre de projets ultérieurs ».
Autre point, la population : « Il faut la remettre au centre des projets, notamment de Nouveau Programme de Renouvellement Urbain (NPRU), comme c’est le cas à Majicavo Koropa avec le conseil des citoyens. »
Le problème d’ingénierie a été soulevé par Mohamed Bacar, le maire de Tsingoni. De la synthèse on retiendra qu’il faut lancer des formations certifiantes universitaires à Mayotte. Une idée, déjà appliquée dans le NPRU de Kawéni, est l’auto-construction encadrée, « il suffit d’appuyer les ménages sur les normes d’hygiène et de sécurité. »
Retours d’expérience pour éviter les mêmes pièges
Si l’absence de représentants de la préfecture était remarquée pour cette clôture, les participants se félicitaient d’une organisation qui aura « ouvert plus de perceptions qu’envisagées », pour Daniel Courtin. Luc Barsky voit dans le contexte actuel d’une mise en place du SAR, des NPRU, des Plans communaux d’habitats indignes, des éléments encourageants, « il y a beaucoup de suite à donner dans les ministères à Paris, et à approfondir aussi ici. »
Même mieux, pour Jan Niebudek, Représentant du Ministère du développement durable, Mayotte est un champ expérimental, utile à intégrer à la politique nationale.
Même si beaucoup peut être décidé à Paris, « nous ne devons pas nous laisser enfermer par une réglementation normative mais il faut définir les limites des libertés auxquelles nous prétendons », Daniel Courtin soulignait que l’issue est aussi entre leurs mains d’acteurs locaux, « il faut qu’on analyse immédiatement les difficultés auxquelles on se heurte, comme la rénovation de Mgombani, pour avoir ensuite un retour d’expérience et en tenir compte. »
Un calendrier doit être établi comme le demandent les hauts-fonctionnaires, car le temps presse, ici comme à Paris où les élections présidentielle vont agir comme un jeu de quilles dans les ministères concernés.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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