Le sujet n’était plus de savoir dans cette histoire qui des douaniers ou des commerçants avaient initié le trafic. Pour les avocats, la critique portait sur une « instruction bâclée ».
Sur 29 prévenus jugés en première instance en mai 2013, dix ont fait appel. Les faits à charge étaient rappelés, égrainés plutôt, numéros de cote à l’appui par l’avocat général de la cour d’appel ce vendredi 7 janvier. C’est en 2007 qu’un trafic de tabac de contrebande, plus de 7 kg cachés derrière des matelas, était mis à jour par les services des Douanes de Mayotte. Un douanier zélé avait ciblé un container bien précis d’un transitaire qui ne voulait plus jouer le jeu, en tout cas, pas aux conditions imposées.
Son dépôt de plainte fait tomber ce qui ressemble à un château de carte pour constater «des diminutions de déclarations en douane pour minorer les taxes», «des falsification de registres du commerce», «des sommes de 300 à 400 euros remises pour éviter les contrôles».
Certains des condamnés qui n’ont pas souhaité interjeter l’appel désignent tous un douanier A. Il semble mener le trafic, «il perçoit de nombreuses sommes à son domicile». Un commerçant condamné pour avoir participé à la corruption, mais non présent en appel, décrit les activités de A. : «Il arrive dans mon commerce et se sert comme un mafieux qui tisse sa toile». Il avoue avoir économisé environ 80.000 euros de droits de douane sur l’ensemble de la période mais dit s’être senti menacé : «si vous n’acceptez pas ce business, les douaniers vont vous faire la misère».
L’avocat général Robert Ampuy rejoignait les condamnations de première instance en les aggravant même. Pour lui, pour être corrompus (les douaniers) ou corrupteurs (les commerçants), point n’était besoin qu’il y ait eu versement effectif. L’intention suffisait puisqu’il s’agit de personnes exerçant un service public. Et surtout, les intermédiaires se rendent complices «dès lors qu’ils ont compris qu’il y a dissimulation».
« N’humiliez pas les justiciables ! »
C’est donc 3 ans de prison ferme qu’il demandait pour les quatre principaux accusés, assortis de 30.000 à 50.000 euros d’amende, et, pour trois d’entre eux, l’interdiction définitive d’exercer un emploi dans la fonction publique.
Les avocats sont unanimes : si les faits semblent accablant, c’est parce qu’ils ont été enregistrés à charge. «L’enquête préliminaire a nui au droit des accusés, des scellés ont été perdus», accuse Me Ousseni qui, à travers des exemples précis, reproche un débat peu respectueux en première instance. «Veillez à ne pas humilier ou laisser humilier les personnes qui sont devant vous sans préjuger des fautes qui leur sont reprochées», renchérissait Me Mansour Kamardine qui citait un de ses maîtres à penser.
Poussant plus loin la critique, Fatima Ousseni, avait jugé en correctionnelle «une salle peu colorée», indiquant par là que seuls des lampistes comparaissaient.
A noter que bien que lésé dans cette affaire où il a perdu des dizaines de milliers d’euros, le Conseil général ne s’est pas constitué partie civile, et que l’administration des Douanes n’est pas représentée.
Tout répréhensibles que soient les actes commis, n’oublions pas que nous jugeons, 10 ans après les faits, des pratiques de Mayotte-l’Africaine qui tendent à disparaître.
Le délibéré tombera le 15 mai.
Anne Perzo-Lafond
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