CARNET DE JUSTICE DU JDM. La justice ouvrait hier, mercredi matin, l’instruction des violences entre jeunes qui ont déchiré la commune de Chirongui fin mai et début juin 2014. A la barre du tribunal correctionnel, 3 jeunes adultes impliqués dans les événements. Une douzaine de mineurs, également mis en cause, seront jugés ultérieurement par le tribunal des enfants.
Ces affrontements ont opposé des jeunes du village de Tsimkoura et d’autres du village de Chirongui, lors de quatre soirées particulièrement violentes. Le déclenchement date du 31 mai. Une soirée sur le plateau de Tsimkoura dégénère en bagarre généralisée, réactivant un cycle infernal de vengeances et de règlements de compte. Certains jeunes sont blessés et 3 d’entre eux portent plainte, permettant au tribunal de disposer de descriptions assez précises de ces scènes d’hystérie.
Le premier parle de coups de poings et de coups de couteau : il a une plaie de 14cm à la fesse gauche. Les deux autres évoquent une quinzaine de personnes qui les frappent avec une chaîne, des morceaux de bois et des pierres. Les victimes affirment que les 3 hommes à la barre étaient partie prenante de ces scènes.
Capturer un jeune pour le torturer
On va ensuite les retrouver dans la 3e nuit de violence, celle 3 juin 2014. La veille, la tension est encore montée, avec un jeune homme grièvement blessé à coups de marteau.
Ce jour-là, les trois prévenus ont eu le temps de se préparer. Tout au long de la journée, ils boivent et fument du bangué avant de décider de s’armer. Couteau, chombo, bâtons, ils partent «pour la baston», ont-ils avoué. L’un des trois dira aux gendarmes qu’ils avaient dans l’idée de «capturer un jeune de Tsimkoura pour le torturer».
Ils coincent effectivement un gamin qu’un des prévenus étrangle pendant que les autres le frappe.
Mais ce soir-là, pour un des prévenus, celui qui étranglait le jeune du village d’à côté, la soirée va mal finir. Il est à son tour très lourdement blessé avec un certificat d’ITT de… 120 jours ! Car face à l’arrivée de ceux de Chirongui, les jeunes de Tsimkoura ont réagi. Une centaine d’entre eux vont «défendre leur village» et parviennent à isoler notre homme. On n’est pas loin du lynchage.
« Parce que c’est comme ça »
Une 4e nuit de violences agitera encore la commune avant que la situation ne s’apaise.
Impossible pour le tribunal d’obtenir la question que tout le monde attend: Pourquoi? «Parce que c’est comme ça», auraient déclaré les prévenus aux enquêteurs. «Une explication délirante», pour le procureur Joël Garrigue. Un simple regard ou un mot de travers, «rien ne justifie qu’on s’en prenne à ceux du village d’à côté», martèle-t-il.
Pour Me Mansour Kamardine, avocat d’un des prévenus, les raisons sont à chercher dans l’héritage culturel, un argumentaire que reprend Me Simon : «De tout temps les jeunes des villages se sont opposés. Les grands frères l’on fait, les pères et les grands-pères l’ont fait». Et l’avocat de s’interroger sur l’utilité d’une peine de prison. «Lors des affrontements entre Kawéni et Majicavo, c’est l’intervention des cadis qui a ramené le calme, pas une comparution immédiate», plaide-t-il.
Me Cooper enfin, relevait la longueur des investigations qui ont eu pour conséquence des temps de détention provisoire de près de 15 mois pour les 3 prévenus. «On flirte avec un caractère punitif de la détention provisoire», note-t-elle.
De la prison ferme
Les deux prévenus qui avaient reconnu leur participation sont condamnés respectivement à 2 ans dont un avec sursis et mise à l’épreuve et 30 mois dont 15 ferme, avec des obligations de travail/formation, de soin et une interdiction de rentrer en contact avec une des victimes.
Quant à celui qui est présenté comme le meneur et qui a pourtant minimisé son rôle, il écope de 4 ans de prison dont 3 ferme et une mise à l’épreuve de 2 ans, avec les mêmes obligations que les deux autres. Il avait déjà été condamné pour violence et outrage en décembre 2013. A l’époque, il avait caillassé des forces de l’ordre.
RR
Le Journal de Mayotte
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