Revenons rapidement sur l’origine de ces fonds. Depuis 2009, la gestion de l’Aide Sociale à l’Enfance (familles en difficultés et enfants en errance), était transférée de l’Etat au conseil général, pas encore départemental. Sans compensation financière. A Mayotte où l’immigration clandestine place beaucoup de familles en précarité, le travail est immense.
Sollicité par l’actuel exécutif, l’Inspection général des Services (IGAS) a pointé du doigt dans un rapport de janvier 2016 cette insuffisance de l’Etat qui a reconnu son erreur en allouant 9,6 millions d’euros par an, assorti d’une rétroactivité de la prise en charge, soit 61 millions d’euros au total.
Mais demandait en contrepartie des garanties que cette somme irait bien aux destinataires, l’enfance en danger et les familles. Une convention engageant le département avait été signée par le président Soibahadine et la ministre des Outremer Ericka Bareigts.
Les PMI vont-elles garder leurs 20 M€ ?
Mais lors de la présentation du budget annexe de l’ASE ce mardi matin, Ben Issa Ousseni, vice-président chargé des Finances, exprimait tout haut son désaccord : « Pourquoi ne pas basculer tout ou partie de ces sommes dans le budgets général ? Nous avons des urgences, comme des routes à rénover. » Il pointe en réalité la somme de 20 millions d’euros dédiée au PMI (Protection Maternelle Infantile) qui serait « gelée ».
Faute d’avoir obtenu pour les PMI la même reconnaissance d’une déficience de l’Etat, Issa Issa Abdou, 4ème VP Chargé de l’Action sociale et de la Santé, avait en effet proposé de ponctionner une partie de la somme ASE pour leur allouer, étant donné leur état de délabrement souligné par le personnel. Mais selon le Directeur des finances du Département, se pose la question de pouvoir les utiliser : « Le niveau d’avancement de la rénovation des PMI ne permet pas d’injecter immédiatement ces 20 millions d’euros pour 2016, nous ne pouvons les geler alors que nous en avons besoin par ailleurs. »
« Attention ! Paris nous observe »
Fait inattendu, l’élu en charge des Finances recevait l’appui d’un Conseil économique et social (CESEM), habituellement prompt à dénoncer les abus, et qui là, s’interroge par la voix de son président Abdou Dahalani : « Le choix d’un budget annexe ne se justifie pas alors que le conseil départemental peine à équilibrer son budget général. Nous demandons le réexamen de la situation. »
Interrogé par le JDM Issa Issa Abdou tient bon : « Je rappelle qu’au départ l’Etat demandait que l’argent soit versé à un Groupement d’Intérêt Public dans lequel il aurait eu son mot à dire. Nous avons obtenu la mise en place d’un budget annexe où nous sommes les seuls décisionnaires, mais attention à ne pas l’utiliser ailleurs, Paris nous observe sur d’autres compensations que nous pourrions demander. » Il juge par ailleurs que les travaux des PMI sont assez avancés pour pouvoir commencer à utiliser les fonds.
C’est Mahafourou Saïdali, le nouveau DGS qui va trancher : « Nous devons les maintenir dans ce budget annexe, et s’il se pose un problème de délais de consommation des fonds, nous pourrons en discuter au fur et à mesure des travaux d’avancement des PMI. N’oublions pas que nous tirons aussi notre équilibre de ce budget annexe qui prend en charge une partie de la masse salariale. »
Le Budget annexe était finalement adopté, moins deux abstentions, Ben Issa Ousseni et l’élu d’opposition Nomane Ousseni.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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