Va-t-on encore assister à la comptine du «c’est pas moi, c’est lui» ? Au moment où le CHU de La Réunion affiche un déficit inédit par son ampleur, il est encore tenté de pointer du doigt le coût des missions qui lui reviennent vis-à-vis de ses voisins de l’océan Indien… Il y en aurait même pour 19 millions «de facteurs dits ‘exogènes’ relatifs aux missions spécifiques du CHU», liés à sa position de recours vis-à-vis de Mayotte et des pays voisins de l’océan Indien.
Ces «surcoûts» sont actuellement analysés par un groupe de travail, sous l’égide de la Direction générale de l’offre de soins. L’objectif étant de les détailler pour obtenir le maximum de compensation financière.
Pour autant, comme l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait déjà eu l’occasion de le souligner, la dérive financière que connaît le CHU est bien plus grave. Car 35,3 millions de déficit, cela représente désormais 5,21% du total de son activité (produits), mais c’est aussi 15 millions de plus qu’en 2015. Il atteignait alors 20,2 millions. Il y a donc bien un problème de gestion.
Les dépenses médicales (+7,7%) et de fonctionnement (+7,2%) s’envolent alors que les entrées diminuent (-1,1%) et les séjours stagnent (+0,6%) entraînant une progression limitée des recettes à +3,8%… Et là encore, on reparle de Mayotte avec l’impact du changement de tarification des assurés sociaux mahorais qui entraîne une baisse de ce poste de recette de 20%.
Apprendre à gérer
Toujours est-il que le CHU doit réagir. Il a prévu de présenter en septembre son plan stratégique et de redressement au Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (Copermo). Dans le même temps, il présentera aussi son projet d’établissement.
En effet, l’hôpital doit faire un point très sérieux avec Paris après avoir obtenu du ministère de la Santé, au mois de mars dernier, un gel des réductions d’effectifs : 250 suppressions de postes censées accompagner le plan d’économies à 38,8 million d’euros attendu par les pouvoirs publics ont été repoussées.
Le CHU promet donc de s’engager «dans une nouvelle voie budgétaire» avec une maîtrise des dépenses: des départs en retraite non-remplacés dans le pôle management, une limitation des coûts de déplacements et de réceptions, la rationalisation des achats. Le CHU précise que «ces actions ayant, pour la majorité, été décidées et mises en place au second semestre 2016, leurs effets ne sont presque pas perceptibles dans les comptes de l’année 2016.»
Combler les trous du sur-investissement
En plus de l’espoir de décrocher une compensation de 19 millions d’euros de façon régulière (pour combler les fameux «surcoûts»), le CHU attend également du Copermo un accompagnement financier à hauteur de 50 millions pour tenter de venir à bout de ses ambitions immobilières pour le moins démesurées.
On y trouve l’extension des capacités en neuro-rééducation et la prise en charge d’Alzheimer au Tampon, (ouverture au 2nd semestre) ; la construction du bâtiment de soins critiques de l’hôpital de Saint-Denis (censé devenir opérationnel au premier semestre 2018) ; la requalification et l’extension du bâtiment central de l’hôpital de Saint-Pierre, un projet étalé en trois phases entre 2019 et 2021… Autant de projets pourtant jugés disproportionnés par l’Igas tandis que Mayotte souffre encore et toujours d’un sous-investissement évident … qui pèse en cascade sur La Réunion qui nous le reproche. Un comble !
Des comptes certifiés sous réserves
Le CHU annonce tout de même une drôle de bonne nouvelle: ses comptes, même mauvais, ont été certifiés. C’est en effet un passage obligatoire pour tous les établissements publics de santé qui atteignent le seuil des 100 millions d’euros de recettes. Ils sont certifiés mais avec tout de même trois réserves de taille… «sur la juste évaluation des recettes et des stocks ainsi que la fiabilisation du patrimoine du CHU». Une sacrée nuance !
L’hôpital explique que ce résultat a été obtenu «au terme d’une année de très forte mobilisation des équipes du CHU, avec l’appui du trésorier de l’établissement, de la Direction régionale des finances publiques, et l’Agence régionale de santé». Il justifie également la situation en parlant de 2016 comme d’«une année charnière», une période de «transition vers une gouvernance, une stratégie et une approche économique rénovées, soucieuses de fondamentaux de gestion sains et durables», dont les résultats ne seraient visibles que dans les prochaines années. On ne peut que l’espérer.
www.jdm2021.alter6.com
Comments are closed.