Nos confrères d’Al-Watwan, organe de presse proche du pouvoir, se font l’écho d’un rapport inquiétant de l’Inspection Générale de l’Education nationale (IGEN) comorienne sur l’année scolaire 2019-2020. Il concerne le primaire et le secondaire, et fait le constat d’une désertion des établissements scolaires par les élèves. On y parle de « dégringolade des effectifs » dans l’île de Grande Comore, avec une diminution de 40% du nombre d’élèves dans les lycées de 2015 à 2019, passant de 5.611 à 3.383. Le phénomène est pire dans les collèges avec une chute de 50% des effectifs.
Des chiffres qui ne peuvent qu’inquiéter si on les rapporte à la population. Grande Comore comptait 410.000 habitants en 2016. Avec un profil de population jeune puisque 56 % des habitants ont moins de 20 ans. Avec 3.383 lycéens seulement, on peut donc dire que 0,8% de la population totale est scolarisée dans un lycée. Le taux est de prés de 6% à Mayotte, avec 16.400 lycéens pour une population de 280.000 habitants. Nous n’avons pas le nombre d’élèves au collège et en primaire, mais on peut penser que la situation n’est pas meilleure.
En effet, le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) avait indiqué dans un autre rapport, que « le système éducatif public de l’Union des Comores a été particulièrement affecté par les difficultés politiques et économiques que le pays a connues au cours des vingt dernières années. En particulier, le niveau de qualification des enseignants est faible et la gestion et l’administration des services de l’éducation souffre d’un manque de ressources humaines, techniques et financières, ainsi que d’une structuration insuffisante pour assurer les missions de pilotage, de contrôle et d’évaluation du système. »
Pas de programme d’entretien des lycées et collèges
L’IGEN note une politique d’ouverture des lycées « anarchique », puisque « le lycée de Mitsamihuli qui compte 144 élèves doit fusionner avec celui de Mahad dont l’effectif n’excède pas 33 pour donner naissance à un lycée d’enseignement général et technique ». Même phénomène dans les collèges, « un quart des collèges publics possède un effectif d’élèves en dessous des normes requises », indique le rapport.
Curieusement, Anjouan serait moins touchée, il est noté « une progression timide des élèves », et des « effectifs plus nombreux que la moyenne » par classe. Mais en toute rigueur, on devrait s’attendre à une courbe ascendante, suivant une démographie en hausse de 2% par an.
Une idée de la politique menée : « Les 36 lycées publics comoriens ne bénéficient pas de programmes d’entretien ni mobiliers ni locaux », pas plus que les 36 collèges, notent les inspecteurs. Ce sont les directeurs des établissements qui prennent l’initiative de doter en matériel pédagogique, « appuyés par des organisations non gouvernementales ».
La plupart des enseignants partent enseigner dans le privé. Les familles qui ont les moyens envoient également leurs enfants étudier à l’étranger. « Le système éducatif est en faillite », nous avait rapporté Issihaka Abdillah en évoquant notamment les enseignants mal, et souvent pas du tout, payés.
Un contexte sinistré qui nourrit le flux migratoire vers Mayotte et qu’il faut contribuer à revoir. On sait que 150 millions d’euros doivent être engagés sur 3 ans par la France pour développer l’économie de l’Union des Comores. Il y a là un biais tout trouvé. Nul doute que sa mise en place a été évoquée par le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner qui recevait ce mardi 3 mars son homologue Comorien, Mohamed Daoudou, à l’hôtel Beauvau.
Anne Perzo-Lafond