C’est un film « Coups de théâtre » à plus d’un titre. Car il met en scène des jeunes en grande difficulté, sans misérabilisme, et avec un but : les amener à être acteurs de leur propre destin.
« Coups de théâtre » est un tremplin vers une vision différente de la jeunesse, « de Mayotte, tourné à Mayotte » soulignait Daniel Brichot, chargé de projet Céméa (Centres d’Entrainement aux Méthodes d’Education Active). Réalisé par Pascal Helleu (association Sanaamou), précisément sur commande des Céméa dans le cadre du Festival du film d’éducation qui se déroulera du 24 avril au 2 mai 2014.
Ce sont les jeunes de l’atelier théâtre du centre Nymba de Caritas-Secours Catholique qui ont participé et témoigné sur la pellicule. Car ils sont l’image d’une grande partie de la jeunesse à Mayotte : sortis du système scolaire, ils traversent de grandes difficultés, « cherchent le plus souvent simplement à se nourrir » comme le dira Christophe Vénien, délégué de Caritas, « mais ont envie de prouver une chose : leur utilité sociale ».
Les aléas de leur vie, joués sur les planches, et leur manière de s’en sortir, sont le fil conducteur du film autour d’un thème, la violence. C’est Bernadette Dubois, « Bernie », qui les encadre à Nyamba, exercices d’assouplissement, souffle, capacité à s’approprier la scène : « elle est exigeante, mais on serait devenu quoi sans elle ?! ». Au delà du théâtre, c’est un parcours d’insertion professionnelle qui se dessine, « avant quand je voulais quelque chose, je le volais » se rappelle Youssouf dit « Espion », 22 ans, un vieux de la vieille de Caritas qui est devenu bénévole. « On en a vu grandir, évoluer beaucoup » attestera Christophe Vénien.
Mahoraise, Nassabia a quitté l’école à 12 ans et a vécu avec sa mère jusqu’à ses 17 ans, jusqu’à ce que son beau-père ne veuille plus d’elle à la maison, « j’avais pourtant envie d’école » déclare-t-elle à la caméra. Lumineuse, elle captive le regard : « c’est après avoir suivi les cours au centre Nyamba que j’ai pu commencer à lire et surtout, à écrire des lettres ».
Une histoire de générations
Mais cette équipe, soudée au fil des temps, et malgré les expulsions des uns et des autres, peu étant en situation régulière, a connu un drame. Le jeune Charifoudine, fauché en mars 2012 au sein du lycée de Mamoudzou par un coup de couteau, la veille d’une répétition générale de théâtre. L’image bascule vers le noir et blanc, les visages se font graves, les regards subissent autant qu’ils l’expriment, la violence… « c’est pas juste » glissera sobrement Nassabia.
C’était au moment de l’arrivée de deux comédiennes de la Compagnie du « i », Mathilde et Sophie, qui aideront à l’expression de la douleur lors d’un spectacle qui se terminait par un chant, « vivre sans tendresse, non, on ne le pourrait pas ».
Outre le festival du film de l’Education, ce documentaire sera diffusé sur Mayotte 1ère, « parce qu’il est un miroir, instrument indispensable à la construction de chacun » traduisait Gérard Guillaume, Directeur d’antenne de la chaine, « la jeunesse, c’est une boule de cristal ! ».
Le monteur du film, le jeune Macland Mikidadi, donne son sentiment : « la jeunesse actuelle se laisse aller à la facilité. Or, j’ai retrouvé dans le Secours Catholique-Caritas les valeurs de l’ancienne génération, notamment le travail. Nous avons souvent des jeunes qui donnent une mauvaise représentation d’eux-mêmes, alors qu’il y a des bonnes graines, peu mises en avant, qui vivent des situations très compliquées, sans pour autant « victimiser » ou le reprocher aux autres ».
Une belle leçon de prévention de la délinquance.
Anne Perzo-Lafond
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